13 juillet 2004
Le temps des prophètes...

Comme j'ai pu le faire pour la somptueuse représentation multimédia de Colin Powell à l'ONU l'année dernière, je voudrais remettre en perspective un autre intervenant du débat de l'époque : fallait-il faire cette guerre en Irak ?

Colin disait : Oui. L'Irak est une menace, immédiate, et d'abord un Irak démocratique dans la région, ça va calmer tout le monde. Euh. Il s'est surtout attardé sur le premier point, hein. Le second est devenu une roue de secours pour idéologues déboussolés.

Mais il y avait un autre protagoniste, dont on ne parle plus ou à peine.

Que disait-il ?

De plus, un recours prématuré à l'option militaire serait lourd de conséquences. L'autorité de notre action repose aujourd'hui sur l'unité de la communauté internationale. Une intervention militaire prématurée remettrait en cause cette unité, ce qui lui enlèverait sa légitimité et dans la durée son efficacité. Une telle intervention pourrait avoir des conséquences incalculables pour la stabilité de cette région meurtrie et fragile. Elle renforcerait le sentiment d'injustice, aggraverait les tensions et risquerait d'ouvrir la voie à d'autres conflits.

Gagné ! En moins de deux ans, la "communauté internationale" a vécu. Le mot "stabilité" n'est pas le permier qui vient à l'esprit quand on parle du Proche-Orient ces jours-ci, et le sentiment d'injustice ressenti par le monde Arabe est en bonne santé aussi.

Il y a dix jours, le secrétaire d'Etat américain, M. (Colin) Powell, a évoqué des liens supposés entre al-Qaïda et le régime de Bagdad. En l'état actuel de nos recherches et informations menées en liaison avec nos alliés, rien ne nous permet d'établir de tels liens. En revanche, nous devons prendre la mesure de l'impact qu'aurait sur ce plan une action militaire contestée actuellement. Une telle intervention ne risquerait-elle pas d'aggraver les fractures entre les sociétés, entre les cultures, entre les peuples, fractures dont se nourrit le terrorisme?

Encore gagné ! Qu'on donne à cet homme une place à la CIA ! Ils vont embaucher sous peu, de toute façon ! Carrément bien vu : les liens entre Irak et Al Qaida étaient inexistants. Maintenant, on voit Al Qaida partout en Irak. Pas forcément à raison d'ailleurs. Des voix s'élèvent pour minimiser la participation de ces fameux "terroristes étrangers" et souligner le caractère nationaliste irakien de l'insurrection. Et depuis deux ans, une partie des média et un certain nombre de gens qui cherchent quelque chose d'intéressant à dire en public glosent sur le "choc des civilisations".

En tout état de cause, dans une telle éventualité, c'est bien l'unité de la communauté internationale qui serait la garantie de son efficacité. De même, ce sont bien les Nations unies qui resteront demain, quoi qu'il arrive, au coeur de la paix à construire.

Give the man a cigar ! Alors qu'on se déchaînait à l'époque, côté où-est-la-clé-du-B52-chérie sur l'inutilité de l'ONU, il est frappant de voir à quelle vitesse les mêmes gens s'empressent de clamer que le soutien de tous est indispensable et est-ce- qu'on - pourrait - avoir - encore - une - petite - résolution pour éviter que notre transfert de souveraineté ait trop l'air d'un régime de bananes dans un enclos à crocodiles.

Il disait encore, le même jour :

car la guerre est toujours la sanction d'un échec, serait-ce notre seul recours face aux nombreux défis actuels.

Et même s'il s'était trompé sur tout le reste, ce qui n'est pas le cas, rien que pour cette phrase là, il m'a, l'espace d'un instant, enthousiasmé.

Le dangereux illuminé qui a dit tout ça, c'était Dominique de Villepin, dans son intervention à l'ONU le 14 février 2003. Dix-sept mois et pas très loin de dix-sept mille morts plus tard, on en est là où il nous avait annoncé qu'on serait.

Ca me laisse un drôle de goût.

Écrit par O. le 13 juillet 2004 à 18:43
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