22 juin 2005
Informer, ou pas ? Qui décide ?

Une journaliste française free-lance va être expulsée d'Irak. Les Irakiens disent que c'est à la demande du gouvernement français, le gouvernement français dit que c'est une décision irakienne.

L'un dans l'autre, le premier problème, c'est que je ne sais pas à qui faire confiance. La parole du gouvernement français n'a pas plus de poids pour moi que celle du gouvernement irakien. C'est dommage.

Ensuite, ce qui me gène, c'est ceci :

«Vous devez vous demander si la liberté et le souci d'informer justifient une telle prise de risques, pour vous et pour les autres», lui avait écrit, début juin, l'ambassadeur de France à Bagdad, Bernard Bajolet.«Aucune excuse ne peut justifier la poursuite de vos activités en Irak.»

Moi, ça me choque.

C'est vrai qu'il y a un risque pour les journalistes, et éventuellement pour les hypothétiques sauveteurs en cas d'enlèvement (demandez aux Italiens : les check points ne sont pas sûrs...). On ne peut pas le nier. Mais il y a un autre risque, tout aussi indéniable : celui d'avoir une population française hypothétiquement amenée à se prononcer (directement, via suffrage, ou indirectement, par sondages) sur la situation en Irak en ne dépendant que des sources d'informations "officielles". Lire «radio pentagone».

Sans mentionner, naturellement, la fameuse «liberté de la presse» chère au coeur de nos gouvernants. En principe.

Je comprendrais que cette journaliste veuille rester en place : elle est juge ultime de sa propre sécurité, et de sa motivation. Si vraiment le gouvernement français a demandé son expulsion, ça me gène.

La citation est extraite de cet article.

Écrit par O. le 22 juin 2005 à 15:21
Réactions

Ce que je trouve très inquiétant dans le discours de l'ambassadeur, c'est la dernière phrase.
Il ne dit pas "Aucune explication ne justifie" ou "Aucune raison ne justifie" mais "Aucune excuse"....
Les mots sont importants.
S'il parle d'excuse, c'est donc qu'une journaliste aurait à se faire "pardonner" de faire son travail, celui d'informer.
C'est très grave.
Cela voudrait donc dire aussi que le fait même d'informer glisse, même pas imperceptiblement, vers quelque chose de répréhensible pour nos politiques.
Franchement, ça fait peur...

Mis à jour par Psyché le 22 juin 2005 à 15:35

>Je comprendrais que cette journaliste veuille rester en place : elle est juge ultime de sa propre sécurité, et de sa motivation. Si vraiment le gouvernement français a demandé son expulsion, ça me gène.

Tout a fait. Elle seule peut savoir quand elle doit rentrer. Et un Etat n'a pas juger les motivations de ces ressortissants, il se doit de lui porter secours quoi qu'il arrive...

>Les mots sont importants.
S'il parle d'excuse, c'est donc qu'une journaliste aurait à se faire "pardonner" de faire son travail, celui d'informer.

Je m'étais fais la même reflexion effectivement.

Mis à jour par l'archer vert le 22 juin 2005 à 16:12

Le Canard du jour donne une clef de lecture. Les propos que tu mentionnes y sont repris mais explicités. L'ambassadeur y fait allusion aux moyens (colossaux) mis en oeuvre pour obtenir la libération de Florence Aubenas et de son guide (moyens détaillés par Claude Angéli): mobilisation des services, envoi sur zone d'un d'un navire espion de la DGSE pour écouter les communications irakiennes, déplacement du satellite Hélios, sans oublier la rançon. En outre, l'ambassadeur ajoutait à la liste les risques encourus par les familles des Irakiens accompagnants.

Sur le fond cependant, l'équation est simple: soit on considère qu'il a raison auquel cas il ne nous reste plus qu'à prendre les communiqués de l'armée américaine ou des autorités irakiennes pour seule source d'information (et de poser la question de la présence même de l'ambassadeur en Irak, car il doit bien y avoir également un risque pour les diplomates). Ou bien il a tort, auquel cas, la liberté d'informer prime, au nom des principes qu'il est sensé représenter, comme tu le soulignes.

Mis à jour par aqb le 22 juin 2005 à 16:16

Autre option:

Laisser les journalistes informer, mais à leurs risques et perils. L'Etat français refusant de s'engager à aller les sauver en cas de pépin.

Autre question:

Apres avoir réussi a libérer Malbrunot et son pote, Hussein et sa copine, qu'est-ce qui effraie tant les autorités françaises ? Je ne parle pas de l'effroi compassionnel, je parle du prix de la libération. Et ce n'est pas le prix des déviations d'Helios et autres micro-navires espion machins ; il est toujours très bénéfique pour l'industrie militaire d'être mise à l'épreuve.

Non. Je crois, moi, que ces libérations coûtent très cher, en rançon. Et que justement, payer la rançon, ca donne des idées de récidive aux ravisseurs. L'Etat Francais connait ce danger-là de l'approche diplomatique, et voudrait bien éviter d'actionner à nouveau la perfusion des islamistes irakiens. Ca la fout mal, quand meme.

Procès d'intention ? Accusations sans preuve ? Appelons cela une hypothèse. Aussi choquante que les discours officiels qui en decoulent...

Mis à jour par boq le 22 juin 2005 à 17:06

Des islamistes plutôt de tendance crapuleuse d'après ce que j'ai pu en lire. Mais bon, comme ce n'est visiblement pas incompatible, on peut s'accorder sur le principe.

Des islamistes, cependant, qui n'y étaient pas avant la glorieuse intervention militaire américaine, ardemment défendue par les va-t-en guerre (de salon) de tous pays...

(PS: qu'on ne me fasse pas dire que Saddam était un brave type, je ne l'ai jamais dit et ce n'est pas le sujet. C'est qu'il y a des gens taquins...).

Mis à jour par aqb le 22 juin 2005 à 19:08

Je me souviens des mots de Serge July sur France Inter, le lundi matin qui suivit la libération de Florence Aubenas. Il tenait un discours extrêmement reconnaissant vis-à-vis des autorités de l'Etat. Il rendit un hommage très appuyé aux hommes de la DGSE, un hommage presque ostentatoire, et aussi au chef de l'Etat, qui "a pris des décisions très courageuses dans des moments difficiles". Il n'est pourtant pas dans les habitudes de Serge July de rendre ainsi allégeance à Jacques Chirac. A l'entendre on en était presque mal à l'aise. On se demandait presque s'il n'essayait pas de faire comprendre à demi-mot que cette libération avait eu un coût non seulement matériel, mais aussi humain. On était gagné par le propre malaise d'un Serge July, qui, tout patron de presse qu'il est, semblait dire en filigrane "merci l'Etat, mais pardon pour tout ça...".
On pressent qu'un prix exhorbitant a donc été payé.
Au nom de quoi la vie d'une journaliste, fût-elle une personnalité attachante, vaut-elle plus que celle d'un agent de la DGSE ?
Comment peut-on à la fois soutenir la présense de journalistes en Irak, et en même temps refuser d'assurer qu'ils travaillent en sécurité, c'est-à-dire s'opposer à une présence militaire sur place ?
Et puis que signifie au juste cette sacro-sainte "liberté d'informer" que l'on brandit béatement comme un étendard à tout bout de champ ? On ressort toujours cette formule comme succédané d'argument, sans s'interroger véritablement sur ce qu'elle recouvre. Liberté d'informer, devoir d'informer, droit de savoir. "Le droit de savoir"... N'est-ce pas le titre d'une émission ô combien reluisante ? Tout cela a un côté à la fois vain et prétentieux. Qui est-on pour vouloir savoir toujours plus ? Savoir quoi encore ? Quelle est la signification de cette importance que prend la déesse Information, de l'icônification de cette profession de journaliste, qu'est-ce que c'est que cette société en mal d'idoles et de théâtralisation qui affiche des posters géants de journalistes dans ses villes ?

Mis à jour par Environ le 23 juin 2005 à 11:40
Comment peut-on à la fois soutenir la présense de journalistes en Irak, et en même temps refuser d'assurer qu'ils travaillent en sécurité, c'est-à-dire s'opposer à une présence militaire sur place ?

Comment peut-on poser des questions aussi dénuées de fondement ? Et tant qu'on y est, on ne pourrait pas exiger une protection pour les militaires qui protègent les journalistes ? Et pour ceux qui protègent les militaires qui protègent les militaires qui protègent les journalistes ?

Un journaliste qui décide de se rendre en Irak sait où il va et dans quelles conditions.

"pardon pour tout ça" ? si July ressent le besoin de demander pardon, il n'a qu'à se recycler dans l'épiscopat. Il n'a rien à faire dans un journal.

Quant à l'amalgame à deux sous avec "le droit de savoir", tu t'imagines ce que j'en pense.

Qui est-on pour vouloir savoir toujours plus ? Savoir quoi encore ?

Personne ne t'oblige à te poser des questions. Retourne dormir.

Mis à jour par O. le 23 juin 2005 à 12:03

La technique qui consiste à mettre en exergue une phrase hors de son contexte est bien connue, et regrettable.
Ce faisant, tu produis une réponse hyper partielle à une citation hyper partielle, qui représente mal la globabilité de mon propos. Tu évites ainsi de répondre à mon interrogation générale sur la signification de la liberté d'informer, et c'est un peu dommage.
Ceci étant tu n'as visiblement pas envie de te la poser, cette question-là. Bonne sieste, donc, à toi aussi.

Mis à jour par Environ le 23 juin 2005 à 13:04

[violons... sortie dramatique du héros drappé dans son grand manteau]

Depuis quand doit-on définir ou expliquer "liberté" à un libéral ?

Mis à jour par O. le 23 juin 2005 à 13:12

la liberté d'information ? Oh, c'est rien ça, une broutille, c'est juste la possibilité de tout à chacun de pouvoir accéder à toutes les informatioàns et à tous les points de vue dans le but de pouvoir se faire une opinion, prendre des décisions et contrôler l'activité de nos élus (par exemple).

Un truc sans importance donc...

Mis à jour par l'archer vert le 23 juin 2005 à 14:35

L'archer vert : d'accord... Merci pour la définition. Je te sens prêt pour publier un opus à couverture noire et jaune que tu pourrais avantageusement intituler "La liberté d'information pour les nuls". Grosso modo tu viens de démontrer que la liberté d'information c'est la liberté pour chacun de pouvoir s'informer. Puissant. Ca rappelle un peu des calculs d'algèbre où on tomberait sur 1=1 à la fin.
Ce qui est intéressant (enfin moi ça m'intéresse, mais si vous non, vous pouvez toujours faire Alt+F4, enfin si toutefois vous êtes sur un PC car sur un Mac ça ne marchera pas, mais c'est un autre débat), ce qui est intéressant donc, c'est d'examiner les raisons qui te font croire que la chimère qui consiste à "pouvoir accéder à toutes les informations et tous les points de vue" (c'est fort déjà...) te permettra de "te faire une opinion" plus fiable. En d'autres termes, la liberté d'opinion est-elle liée à la liberté d'information et/ou d'expression d'une façon indéfectible et surtout absolument sans équivoque ?
Tu me feras 2 copies doubles là-dessus.

Mis à jour par Environ le 23 juin 2005 à 16:07
En d'autres termes, la liberté d'opinion est-elle liée à la liberté d'information et/ou d'expression d'une façon indéfectible et surtout absolument sans équivoque ?

La question n'a pas de sens. La réponse n'en aurait pas plus. Sans équivoque, et indéfectiblement. (Il y a des gens qui s'écoutent parler...)

Visiblement, toute l'information du monde ne t'oblige pas à avoir une opinion qui vaille un caramel. L'information te *permet* d'avoir une opinion. Elle ne t'y force pas : rien ne t'oblige à t'intéresser à tout, ou à telle ou telle question en particulier.

Par contre, avoir une opinion qui vaille un caramel sans information est impossible. Je pense quoi de la situation des droits de l'homme au Zimbabwe ? Rien. Je n'ai aucune information. Je pense quoi de la politique agricole européenne ? Pas grand-chose : je n'ai pas potassé la question et elle est ardue.

Accessoirement, ça me permet de répondre à une question récurrente : pourquoi je parle tout le temps des USA et du conflit israélo/palestinien ? Parce que la quantité d'information que j'ai sur le sujet me permet d'avoir une opinion. Je ne l'ouvre pas sur le reste parce que je ne sais rien.

Le moment venu, si je dois me prononcer sur tel ou tel sujet, je me tourne vers l'information dont je dispose.

Alors, à l'évidence, plus il y a d'information disponible, plus je peux me faire une opinion informée.

À condition, naturellement, d'appliquer à l'information les filtres nécessaires : avoir accès à l'information ne suffit pas. On peut être submergé d'informations et ne rien comprendre, comme ta question semble le montrer.

Car quel lien peut-il y avoir entre liberté d'information et liberté d'opinion ? Aucun. Ce sont des libertés. On les a, ou on ne les a pas.

Maintenant je le répète : même si on a la liberté d'opinion, dont tu bénéficies, mon environ, comme chacun de nous, sans information il est difficile d'en faire un usage utile. Et la présence d'information ne garantit pas la pertinence de l'opinion. (bon, j'ai assez répété, là, je crois que le message doit passer).

Mis à jour par O. le 23 juin 2005 à 16:52

Je ne vois pas "d'iconification" dans la mobilisation générale pour appeler à la libération de Florence Aubenas. Juste la volonté de milliers de personnes de voir un journaliste pouvoir faire son métier, c'est à dire de donner son opinion et sa vision sur ce qui se passe dans un pays en guerre. L'information est aujourd'hui devenue une arme comme les autres dans les mains des puissants. Et pour éviter que nous, qui ne sommes pas dans le secret des dieux, puissions avoir une vision, même partielle, de ce qui se passe réellement sur le terrain, il faut que quelques courageux prennent des risques. La liberté d'information doit être défendue pour que nous puissions être autre chose que des moutons de panurge !!

Mis à jour par Christine Vasseur le 23 juin 2005 à 16:59

>"d'accord... Merci pour la définition. Je te sens prêt pour publier un opus à couverture noire et jaune que tu pourrais avantageusement intituler "La liberté d'information pour les nuls". Grosso modo tu viens de démontrer que la liberté d'information c'est la liberté pour chacun de pouvoir s'informer. Puissant. Ca rappelle un peu des calculs d'algèbre où on tomberait sur 1=1 à la fin."

Ben, apparemment, il ya des évidences qui ne le sont pas pour tout le monde. Donc par mesure de précaution...

> "ce qui est intéressant donc, c'est d'examiner les raisons qui te font croire que la chimère qui consiste à "pouvoir accéder à toutes les informations et tous les points de vue" (c'est fort déjà...)..."

Je te l'accorde. Disons un maximum

>"...te permettra de "te faire une opinion" plus fiable. En d'autres termes, la liberté d'opinion est-elle liée à la liberté d'information et/ou d'expression d'une façon indéfectible et surtout absolument sans équivoque ?"

Oui.

>Tu me feras 2 copies doubles là-dessus.

Damn, où est mon stylo plume ?


Mis à jour par l'archer vert le 23 juin 2005 à 17:29

O. :
[soupir... ]
[au passage, merci d'affirmer que mon opinion ne vaut pas un caramel, et que je ne comprends rien. Si ta liberté d'opinion et les flux d'information dont tu disposes t'aident à émettre des jugements aussi pondérés que ceux là, vive la liberté.]

Christine :
Je ne vais pas développer ici l'argument rebattu selon lequel la mobilisation qui a eu lieu est hautement discutable en termes d'efficacité. Médiatiser la mobilisation, c'est faire de la pub aux enlèvements, c'est donc les encourager, et c'est aussi faire augmenter la valeur de l'otage, et rendre la négociation plus difficile. Florence Aubenas a elle-même développé cette thèse.

L'archer :
Ah bin voilà... au moins c'est clair et concis. Ca fait plaisir, on étouffait un peu dans les coupages de cheveux en 4 de O. et les raisonnements embourbés de l'autre troll d'Environ qui truste péniblement ces commentaires.
Ceci dit, je ne suis pas d'accord avec ton "oui", mais là j'ai plus d'encre pour développer...

Mis à jour par Environ le 23 juin 2005 à 18:16
merci d'affirmer que mon opinion ne vaut pas un caramel

C'est pas une insulte, hein. C'est un diagnostic. Une constatation. Je ne demande qu'à réévaluer, mais comme je l'expliquais, on se fait son opinion en fonction de l'information (tes écrits ici) qu'on a.

Tu sèmes, tu récoltes. :) Et l'herbe est sûrement plus verte ailleurs.

Mis à jour par O. le 23 juin 2005 à 19:26

Flûte, suffit que je sois absent une journée pour qu'il y ait une moisson (libéraltruc)! ;)

Mis à jour par aqb le 24 juin 2005 à 00:41