30 octobre 2003
Petit lexique d'un conflit : D comme détenus

Il y a entre 6000 et 10 000 Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. On ne sait pas exactement combien. Plus de la moitié d'entre eux n'a pas été jugé, et se trouve sous le régime de la "détention administrative", qui permet de garder le prisonnier 6 mois sans intervention du système judiciaire.

Inspirez...


Un grand nombre de ces prisonniers est dans une zone d'ombre légale, pour "raisons de sécurité", naturellement. Plusieurs mois après l'assaut israélien sur le camp de Jénine, en 2002, on était sans aucune nouvelle de certains prisonniers, la famille ne savait même pas dans quelle prison les trouver. Pas question d'engager un avocat dans ces conditions, bien sûr. On finit en général par retrouver ces gens parce qu'un autre détenu dans la même prison se retrouve en possession d'un téléphone portable (c'est interdit, mais régulièrement on en retrouve : ce sont les gardiens qui les vendent aux détenus, on en a encore arrêté deux la semaine dernière) et fait passer un message.

Comme toujours, la prison est un lieu où se passent rarement de jolies choses. Il y a des rapports sur les conditions de détention qui sont impitoyables. Mauvais traitements, hygiène inexistante, surpopulation, etc.

Les effets secondaires sont nombreux, y compris les effets à "large bande". On peut dire sans trop se tromper que toute la génération montante de leaders palestiniens, dont Marwan Barghouti est un parfait exemple, a fait son éducation politique en prison. En interviewant des jeunes qui avaient été raflés à Jénine, j'ai pu me rendre compte à quel point les organisations palestiniennes (Fatah, Hamas, Jihad islamique) sont très structurées en prison. Elles dispensent des cours politiques et religieux, organisent les détenus dans leur vie collective, et les jeunes souvent enfermés pour une peccadille se retrouvent ainsi dans les conditions idéales d'un endoctrinement solide et durable.

En prison, les détenus apprennent en général l'hébreu, aussi.

A chaque tentative de négociation entre Palestiniens et Israéliens, une vague de libération de prisonniers est lancée. Ce sont en général des prisonniers en toute fin de peine qui sont relâchés pour un simple effet d'annonce sur le nombre. Mais les "vrais" détenus politiques restent en général à l'ombre, depuis le début de la seconde intifada. Le calcul est probablement de les empêcher d'être des leaders sur le terrain maintenant. Qu'à cela ne tienne : avec l'éducation qu'ils reçoivent en prison, ils seront peut-être des leaders plus radicaux demain.

Passage obligé d'un article sur la prison : la torture. Très récemment abolie en Israël, il est admis qu'elle est assez fréquemment pratiquée. On a aussi des rapports de prisonniers désignés par l'un d'entre eux, auxquel les gardiens bandent les yeux, et qui lui font pointer le doigt. Celui qui est désigné gagne un passage à tabac. Autre pratique, un détenu reçoit l'ordre d'en battre un autre. Et ainsi de suite. Parfois, raffinement, on propose à un prisonnier assoiffé une bouteille... d'urine.

Depuis le temps que vous lisez dans les journaux qu'Israël a arrêté de "militants recherchés" qui n'ont souvent d'autre tort que d'avoir été mentionnés dans un interrogatoire , maintenant vous savez où ils sont. Et souvent, ce sont les familles qui cherchent.

Le sentiment de soutien et solidarité avec les prisonniers est un tissu supplémentaire. Et un objet de ressentiment supplémentaire. Les détentions injustifiées ou mal justifiées n'arrangent pas les choses. Avis.

Respirez, c'est fini...

Écrit par O. le 30 octobre 2003 à 15:17
Réactions

E: comme espoir???

Mis à jour par Marc le 31 octobre 2003 à 01:31

Euh, la torture, c'est avéré ?
Si c'est oui, je sens que je vais perdre mes dernières illusions.

Mis à jour par wam le 31 octobre 2003 à 10:51

Wam: jette un petit coup d'oeil ...

Mis à jour par aqb le 31 octobre 2003 à 11:34

(désolé pour tes dernières illusions, mais cela n'empêche pas de vouloir améliorer le monde dans lequel on vit. Il faut néanmoins savoir pour pouvoir lutter contre l'innaceptable)
Amicalement. Joel

Mis à jour par aqb le 31 octobre 2003 à 11:36

ouais, ... je savais pas, je pensais pas.
entre "pas joli - joli" et immonde, y'a un pas.

je savais que l'armée fr. (merci, papa !) n'avait jamais été nette, encore aujourd'hui (viol et torture au programme en cas de besoin), mais je pensais qu'Israel, vu le passé ...

bref je ne pense plus. dur. vivement le 1° kir de ce soir. bon week end à toutes et tous.

Mis à jour par wam le 31 octobre 2003 à 16:17

Je te rassure, dans les prisons palestiniennes, on ne rigole probablement pas beaucoup plus...

Mis à jour par O. le 31 octobre 2003 à 16:34

Hélas... Ceci-dit l'univers carcéral français n'est pas non plus un modèle du genre, sans peut-être aller jusqu'à la torture.

Mis à jour par aqb le 31 octobre 2003 à 17:13