Histoires de dingues...
L'esprit humain a tendance à emprunter le chemin de moindre résistance. Deux ans qu'une bande de dingues a frappé à New York. Alors que les télés montraient des images de Palestiniens dansant dans la rue et glorifiaient les pompiers américains, de petits groupes planifiaient déjà de capitaliser sur ce drame. Ils avaient été exceptionnellement rapides à embrayer : les images de Palestiniens se sont avérées dater de la première Guerre du Golfe. Je me souviens du silence de plomb sur Gaza ; les pompiers américains se battent pour leurs budgets ; le monde regarde ailleurs.
Rapidement, la machine s'est mise en marche : guerre contre le terrorisme. Pour les Américains, le terrorisme avait un nom, un visage, et on savait vaguement sur quelle portion du planisphère il fallait se pencher. En route pour l'Afghanistan ! Boutons Oussama (probablement responsable de l'attaque de New York) et les taliban (créés de toutes pièces, équipés et entraînés à leurs débuts par la CIA pour faire suer les Russes) hors d'Afghanistan. Les vilains ont cru l'Occident faible ; on allait voir ce qu'on allait voir. Et le monde entier d'envoyer qui des troupes, qui des sous, qui des grands principes dans ce coin perdu de la planète, où les choses n'allaient, pour tout dire, pas vraiment bien.
Deux ans après, Oussama court toujours, les taliban reprennent du poil de la bête, pas plus de démocratie importée que de beurre fondu au pôle Sud, et si, pendant un mois ou deux, on nous a bassinés avec la Libération de la Femme Afghane, je crains que cet effet cosmétique n'ait pas l'importance fondatrice qu'on nous a vendue. Notez que chez nous on a réglé depuis longtemps le problème de l'égalité des sexes, toutes les statistiques sociales et économiques vous le diront. On est démocratie, ou on ne l'est pas.
Un peu partout dans le monde, la nouvelle franchise "guerre contre le terrorisme" a commencé son expansion. Un excellent plan marketing, goupillé par un petit groupe de dingues (tiens...) nous a vendu la guerre en Irak, aux Philippines et ailleurs, et a rajouté un voile de vertu supplémentaire au châle de prière de Sharon. Imaginez que, malgré le fait que toutes les agences de renseignement sont d'accord pour dire que l'Irak n'avait rien à voir avec ce qui s'était passé à New York, une majorité d'Américains sont encore aujourd'hui persuadés que c'est Saddam qui a fait le coup, ou du moins qu'il était impliqué ! Personne ne relève que près d'un tiers des morts palestiniens a moins de 18 ans. Je n'ai même plus le coeur de railler le camp des va-t-en-guerre à propos des armes de disparition massive irakiennes, c'est vous dire si la couche de propagande a bien pris. Si on n'a pas trouvé d'armes secrètes, c'est qu'elles étaient vraiment secrètes !
Mais nos télévendeurs ont passé une vitesse. Les armes irakiennes ? Vous verrez que dans un mois ça n'aura jamais été la question. La question c'était de libérer les Irakiens. Les femmes irakiennes, tiens ! Et les champs de ... euh non. Ah et puis apporter la démocratie dans un charter, avec une génération d'Irakiens élevés au biberon démocratique des salons de Washington.
En Israël, hier, encore, des dingues ont tué. 14 morts. C'est mal. Je le dis sans hésiter, et je condamne. Demain d'autres dingues, mais officiels, tueront aussi, tout aussi aveuglément, quoi qu'ils en disent. Fouilleront, bousculeront, humilieront, puniront. Et ça, c'est "bien". La machine à fabriquer des dingues tourne à fond. Dans les deux camps. Celui qui se fait sauter dans un bus, et celui qui donne l'ordre de détruire les habitations de 28 familles pour attraper un homme "recherché". Je pourrais élaborer sur "recherché", mais je n'ai pas le coeur à l'ironie ce matin.
En Irak, chaque jour, des dingues tuent. Ils tuent des soldats, des civils, de façon indiscriminée. C'est mal. Je le dis sans hésiter, et je condamne. Demain d'autres dingues, mais officiels, tueront aussi, tout aussi aveuglément, quoi qu'ils en disent. Fouilleront, bousculeront, humilieront, puniront. Et ça, c'est "bien".
Civilisation oblige, les dingues "officiels" tuent beaucoup (*beaucoup*) plus de civils que les dingues tout court. Il faut bien que nos valeurs démocratiques se voient quelque part, après tout.
Notez... pourquoi je m'inquiète moi ? La bourse ne va pas si mal, l'équipe de France joue ce soir, pas de dingues dans ma rue à moi... il y a bien un peu de pluie et le prix du beurre qui augmente, tiens...
[Entre les oreilles : Wishing Well - Mike Stern]
Écrit par O.
le 10 septembre 2003
à 07:06