16 janvier 2003
Une histoire de fous... (2)

-Bonjour, vous parlez français ?
- Je parle la langue dans laquelle on me parle. Pas vous ?
- Euh ... vous êtes un farfadet ?
- Pardon ?
- Non, excusez-moi. Nous sommes perdus. Vous pouvez nous dire où nous sommes ?
- Bien sûr. En Bretagne.
- Ha oui. En Bretagne. Et pour aller à Paimpont ?
- Paimpont ? Connais pas. Mais vous ne devriez pas aller vers la forêt aujourd'hui.
- Pourquoi ?
- Le vieux est de mauvaise humeur.
- Le vieux ?
- Merzhin. Myrddhin. Merlin, quoi.
- Merlin ... oui-oui, bien sûr, Merlin. Et pourquoi il est de mauvais poil ?
- C'est la petite. Elle lui a encore joué un tour de cochon. Elle devrait faire attention. Il a mauvais caractère, quand il veut.
- La petite. Naturellement. Mais pourquoi on devrait pas aller dans la forêt ?
- Il y a déjà assez d'étrangers comme ça. Il en est passé déjà deux groupes ce matin.
- Et nous on est des étrangers aussi ?
- Évidemment ! Ca se voit comme le nez au milieu de la figure que vous n'êtes pas d'ici !

Se faire traiter d'étranger par un gnome avec un chapeau qui fume la pipe assis sur un rocher en vous expliquant que Merlin est de mauvais poil, c'est le genre de trucs qui peuvent vous gâcher une journée.


Nous sommes repartis, nonobstant l'avis du ... farfadet, il fallait bien lui donner un nom, en direction de l'énorme forêt qu'on voyait au fond à droite. Lors d'une pause, nous avons fait le point, et sommes tombés d'accord sur les points suivants : premièrement, nous n'étions pas revenus plusieurs siècles en arrière, puisque c'est impossible. Deuxièmement, il était tout aussi impossible qu'on nous ait déplacés sans qu'on s'en soit rendu compte, ni qu'on ait changé les paysages. Sans parler du ... euh ... farfadet. Donc, et troisièmement, tout ceci était un mauvais rêve, et il suffisait d'attendre qu'on en sorte.

Nous avons donc décidé d'être, en toutes circonstances, d'accord avec tout et tout le monde. Ne contrarier personne, et tranquillement attendre que ça passe. Christine déclara même que c'était la première fois qu'elle était impatiente de se réveiller courbaturée et probablement frigorifiée dans une tente en pleine forêt.

En marchant nous avons remarqué quelques trucs. D'abord, pas une seule vache dans les champs. Pas de champs, d'ailleurs. Pas de clôtures. Des murets de pierre, de temps en temps. Sur le chemin, des traces de chevaux et de roues.
- C'est la charrette de l'Ankou !
- Ha, ha, ha ! Vachement drôle.

C'est fou comme ça paraît moins long de marcher quand on va quelque part. De temps en temps, on chantait. Puis on faisait une petite pause, on grignotait un BN, et on repartait.
Et puis il s'est mis à pleuvoir. Notre moral, malgré nos bonnes résolutions, commençait à baisser. J'ai voulu détendre l'atmosphère.
- Eh, remarque, ça pourrait être pire !
- Ah ouais ?
- Ben oui. Il pourrait pleuvoir !

Elle a failli me gifler. Pourtant, dans le film, ça l'avait fait rire, ce gag là. Frankenstein junior. J'ai décidé d'arrêter les références pour un moment. D'autant que je commençais à avoir soif. Le sac commençait à être lourd, aussi. Aussi, quand on a aperçu le dolmen, c'est sans même se consulter qu'on a mis le cap dessus, et qu'on s'est laissés tomber assis dessous.
Chacun adossé à une des pierres verticales, on s'est regardés en silence. Christine a levé les yeux comme pour dire : « ça risque pas de dégringoler, non ? », puis elle s'est allumé une cigarette et, les yeux fermés, confortablement installée, a soupiré d'aise en essayant de se persuader que pour quelques minutes elle allait pouvoir mener une vie normale..

- Eh, faut pas vous gêner !!
- Haaaaaaaaaaaaaaa !

La capacité de Christine à hurler était déjà, à mon niveau, légendaire. Mais là j'ai bondi sur mes pieds. Naturellement, je me suis rassis aussitôt, avec l'air du type qui vient encore une fois de se faire avoir au coup du plafond en granit surbaissé, les mains sur la tête et les yeux pleins de larmes.

- Je veux bien abriter les voyageurs quand il pleut, mais je ne veux pas de vos sales odeurs, c'est compris ? Et puis vous allez me mettre le feu à mes réserves de petit bois ! Éteignez-moi ça tout de suite !
- Haaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !
- Et arrêtez de hurler comme ça ! D'abord dégagez la porte ! Allez, poussez-vous !

Quand j'ai rouvert les yeux, ça été pour retrouver ma Christine à quatre pattes, l'air toute penaude, en train de se faire engueuler par ... disons une farfadette, à défaut de terme plus adapté ? à moins que quelqu'un connaisse un mot pour décrire un humanoïde vaguement femelle, d'une soixantaine de centimètres de haut, barbue, les joues rouges, les mains sur les hanches, et l'air pas commode.
On s'est regardés tous les deux, et sans se consulter, on est partis en courant. Derrière nous, on entendait la... euh... la chose vociférer un tas de trucs probablement pas très sympas.

la suite une autre fois...

Écrit par O. le 16 janvier 2003 à 15:57
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Mis à jour par Christine Vasseur le 16 janvier 2003 à 17:02