07 juin 2005
Villepin lorgne sur le "modèle danois"

Boudiou. Ce matin, une floppée d'articles décrivant la "fléxicurité" danoise en matière d'emploi. Que ça a l'air alléchant ! Ce qui me tracasse, c'est que je n'y retrouve pas totalement mon quotidien...

Les salariés indemnisés à 90% de leur salaire pendant 4 ans sans dégressivité, c'est pas beau ça ? Sisi. Seulement... il faut cotiser à une assurance spéciale pour ça. Le taux de prise en charge (par les municipalités) si on n'a pas cette assurance est bien moindre.

C'est vrai que ça choque : pas de salaire minimum, par exemple, mais un gros pourcentage de syndiqués et des accords de branche directement avec les syndicats pour fixer les conventions. Le licenciement peut arriver simplement en claquant des doigts. Une entreprise qui vire d'un seul coup plus de 10% de ses salariés n'a qu'une seule obligation : prévenir par lettre.

Qui finance cette flexibilité ? Le salarié : les impôts sont importants. Le côté positif, c'est qu'on en a pour son argent. Sérieusement. Les infrastructures sont nickel, et je pourrais vous parler pendant des heures de ma bibliothèque municipale. Les formalités administratives sont limitées à un strict minimum. Je suis à mon grand regret un grand consommateur d'hôpital, avec scanners et tout le toutim, et je n'ai pas encore versé le moindre centime. Même quand mon docteur décide de m'envoyer à l'hostau, un véhicule vient me chercher, pour pas un rond.

Le succès de la formule ? Officiellement le taux de chômage a été divisé par deux en une quinzaine d'années. Mais bon :

Fin avril, 164 000 Danois étaient au chômage, soit 5,9 % de la main-d'oeuvre disponible. Au début des années 90, ce taux était deux fois plus élevé. Lorsque cette politique «active» a été lancée, des congés rémunérés avaient été mis en place. Ceux-ci ont eu un effet direct sur les chiffres du chômage avant d'être réduits, car la situation de l'emploi s'améliorait. Le congé sabbatique a été supprimé, tandis que les congés parentaux et de formation sont moins bien rémunérés. Et de nombreux Danois sont partis en préretraite parce qu'ils n'ont pas réussi à trouver un nouvel emploi. Ce sont les laissés-pour-compte de la flexibilité, ceux qui ne sont pas considérés comme assez «adaptables». Près de 180 000 Danois profitent de ce système, soit un nombre plus important que ceux qui sont inscrits au chômage. «Si on les comptabilisait, cela porterait le taux de chômage entre 12 et 14 %», note Christian Sølyst, spécialiste de l'emploi à LO. Et tout cela coûte cher. Le Danemark est, avec la Suède, le pays qui a la plus forte pression fiscale au monde.

L.O., ce n'est pas "lutte ouvrière", c'est une confédération syndicale, en passant. L'article est ici.

En clair : pour quelqu'un habitué au système français, le droit du travail danois est brutal, rien moins. C'est supportable uniquement parce qu'au niveau services et infrastructure, l'état assure une qualité de prestation que je trouve remarquable.

Le système de congés payés est différent du système français : on ne reçoit pas d'argent de l'entreprise quand on est en vacances, mais d'un compte spécial auquel on cotise en compagnie de l'entreprise et de l'état. Dans les années difficiles, je ne prends pas de vacances. Pendant 5 semaines je touche des deux mains : de mon travail et du compte vacances. Fatigant, mais ça aide à joindre les deux bouts.

Un facteur qui rend le taux d'imposition plus acceptable, c'est que les impôts sont prélevés à la source. L'argent qui rentre sur le compte, c'est du net, on n'a pas de calculs savants à faire pour savoir si on a de quoi payer les impôts à la fin de l'année.

Les entreprises sont heureuses. Quoique...

De leur côté les patrons danois réclament encore plus de flexibilité, une période d'allocations chômage plus courte, et une plus grande pression sur les chômeurs pour qu'ils reprennent un travail.

Ben oui, hein. Un patron, ça reste un patron. Ils veulent plus de pression sur les salariés pour pouvoir négocier des salaires à la baisse. Et je crains qu'ils n'aient gain de cause un jour. Le Danemark a un gouvernement très libéral, très à droite.

Écrit par O. le 07 juin 2005 à 07:49
Réactions

Je rajoute:
"Les dépenses publiques pour l'emploi représentent 1,66 % du PIB, contre 0,91 % en France."

La qualité a un prix, et j'ai bien peur que la politique francaise devienne un : on rend flexible comme le Danemark mais on oublie de payer le prix de la sécurité...

Mis à jour par loïc le 07 juin 2005 à 08:46

en attendant vus y vivez tres bien et y trouvez votre compte, non?
voudriez vous rentrer en France pour son modèle securitaire?

Mis à jour par zilch le 07 juin 2005 à 12:36

Moi je trouve ça supportable parce que je trouve que le ration impôt/prestations est bon. Je n'ai pas du tout le même souvenir de la France.

Quant à Loïc, ça ne compte pas, il n'est pas salarié. :)

Mis à jour par O. le 07 juin 2005 à 12:49

soit, ce qui m'interresse c'est de comprendre pourquoi la gauche continue de defendre le modele francais coute que coute quand on voit que le resultat n'est pas aussi bon que dans des economies ayant un marché de l'emploi plus "liberal".

je veux bien croire que tout n'est pas parfait au Danemark, ou dans la Grande Bretagne de Blair, mais les reultats sont la, un taux de chomage bas, et des economies qui fonctionnent,et probablement moins de misere.De toutes les personnes qui vivent en dehors du systeme francais, et qui parfois le defendent, peu sont pretes a rentrer.

par ailleurs, sans indiscretion qu'elle est ton taux d'imposition? est-ce que tu payais vraiment moins en France, sachant que nombre de prelevement se font hors du regards du payant?

Mis à jour par zilch le 07 juin 2005 à 12:59

zilch> "probablement moins de misere" : où sont les chiffres pour conclure en ce sens ? pour le danemark, je ne sais pas, mais en angleterre ... argh ! l'exclusion est terrible. en écosse, la pauvreté reléguée aux portes des villes, masquées dans les campagnes est assez impressionnante.

quant aux compraisons des chiffres du chomage d'un pay à l'autre, c'est un vieux leurre : il est impossible de les faire, tant les modes statistiques sont différents d'un pays à l'autre, comme le souligne l'article d'O.

Mis à jour par wam le 07 juin 2005 à 13:08
"probablement moins de misere" : où sont les chiffres pour conclure en ce sens ? pour le danemark, je ne sais pas, mais en angleterre ... argh ! l'exclusion est terrible. en écosse, la pauvreté reléguée aux portes des villes, masquées dans les campagnes est assez impressionnante.

j'y vis depuis 6 ans maintenant, j'ai touché le salaire minimum dans certains boulots, j'ai connu certaines galères... je m'en suis toujours sorti,
aujourd'hui je travaille pour une grosse compagnie, j'ai pus reprendre des etudes a 25 ans, je m'apprete a acheter mon premier appart, en France je serais toujours au fond du trou.

Qu'est-ce qui te permet de dire que la situation dans certaines regions de France est differente de la situation en Ecosse?

Mis à jour par Zilch le 07 juin 2005 à 13:16

Je ne suis pas un fan du modèle français en tant que tel. Je voulais juste souligner que :

1) une bonne partie des chômeurs danois a été balayée sous le tapis d'un système de "pré-retraite". Il y a autant sinon plus de "pré-retraités" que de chômeurs.

2) pour un modèle "libéral", tu avoueras qu'il est paradoxal que ce soit l'état qui assume le gros de la charge. Si j'ai tout bien compris, "libéral" veut dire "moins d'état". Dans le cas présent, "libéral" veut dire : moins d'état pour casser les pieds aux entreprises, mais plus d'état pour ramasser les pots cassés. La "flexibilité" s'accompagne d'une forte pression fiscale et d'un système qui ne sent pas très "libéral"...

3) mon taux d'imposition ? J'en sais rien au juste. Je m'en fous, même. J'ai de quoi vivre, et j'ai des infrastructures autour de moi que je considère satisfaisantes. Je ne saurais pas répondre plus en détail que ça.

Ce que je sais, c'est que je suis sous-payé. Qu'il n'y a aucun cadre légal autour de mon salaire, lequel ne suit pas l'inflation ! Je sais que je peux être viré demain avec un préavis -tout de même- sans aucune raison, et que l'entreprise peut à ma place le jour même embaucher quelqu'un pour le même boulot en le payant moins que moi.

Mis à jour par O. le 07 juin 2005 à 13:18

Note, je suis un salarié normal (sauf que je n'ai pas souscrit à l'assurance chomage). Je suis aux environs de 47% d'imposition sans assurance chomage.

Le modèle Danois n'est absolument pas libéral, il se base sur des syndicats très forts qui tirent le système vers le haut. C'est comme en Suède quand une entreprise d'un des pays baltes a essayé de faire travailler des gens "importés" pour l'occasion, toutes les autres entreprises sous la pression des syndicats ont stoppé la livraison de l'entreprise en question.

Il y a aussi une très très forte redistribution si on compare avec par exemple l'Angleterre (crèches gratuites pour tous, étudiants tous payés ~600Euros/mois de bourse avec logement de qualité pas cher pour étudier, études entièrement gratuites, infrastructure exceptionnelle...).

Il faut aussi ajouter que c'est un petit pays (5,5 millions de personnes), on ne peut vraiment pas comparer avec l'Angleterre.

Mis à jour par loïc le 07 juin 2005 à 14:25

Pour Villepin et son lorgnage vers le Danemark, je ne sais pas jusqu'où il lorgnera. Parce que Chirac ne sera jamais d'accord pour augmenter les impôts français jusqu'à un niveau "danois".

Pour la comptabilisation des chômeurs. OK, le taux de chômage effectif et celui officiel sont différents au Danemark. c'est comme ça un peu partout (en France, nous avons bien le RMI pour 1 million de personnes...). Mais le taux d'activité ramené à la population en âge de travailler est de 75% au Danemark contre 63% en France. Et c'est surtout ce chiffre qui montre le mieux selon moi que ce modèle marche mieux que le "modèle français". Après, savoir s'il est transposable, c'est un autre problème, dont un obstacle majeur s'appelle encore les promesses chiraquiennes de baisse d'impôts.

Mis à jour par Oli le 07 juin 2005 à 16:29

... et de baisse des charges sociales.

Mis à jour par Zarathoustra le 07 juin 2005 à 17:47
Mais le taux d'activité ramené à la population en âge de travailler est de 75% au Danemark contre 63% en France.

Car la France a un des meilleurs taux de productivité par heure travaillée au monde (www), ce qui contribue pour beaucoup, hélas, au chômage dans le pays. C'est tout le drame des 35h qui ont été pour l'essentiel absorbées par des gains de productivité. (Quoiqu'en dise le patronat) et ce au détriment de l'emploi. De quoi tordre le cou aussi à tous les thintanks mortifiés par le "déclin" de la France...

Il n'y a pas que le RMI pour cacher la réalité du chômage, il y a les radiations hâtives, les radiations pour formation, les radiations pour maladie etc. Sans parler des tipatouillages de statistiques au ministère du travail.

La solution passe par une redifinition de la notion d'emploi et/ou par le partage. Mais chut! Il ne faut pas le dire, sinon on passe pour un niais idéaliste, rétrograde, et limite abruti qui ne comprend rien à l'économie (sérieuse) du monde.

Mis à jour par aqb le 09 juin 2005 à 02:18
Car la France a un des meilleurs taux de productivité par heure travaillée au monde (www), ce qui contribue pour beaucoup, hélas, au chômage dans le pays.

en fait c'est l'inverse. c'est le chomage qui permet aux patron de faire le tri au moment de l'embauche, et la menace du chomage qui motive les employés a travailler dur.

Mis à jour par Zilch le 09 juin 2005 à 11:23
La solution passe par une redifinition de la notion d'emploi et/ou par le partage. Mais chut! Il ne faut pas le dire, sinon on passe pour un niais idéaliste, rétrograde, et limite abruti qui ne comprend rien à l'économie (sérieuse) du monde.
AQB s'invective tout seul. Si ce n'est pas malheureux de voir ça... :D

Bon, plus sérieusement, tu as surtout plusieurs trains de retard. Jeremy Rifkin avançait déjà ce genre de théories dans La Fin du Travail, et je suis persuadé que d'autres l'ont précédé.

Evidemment, dans un monde de 6-7 milliards d'êtres humains, la théorie se prend la réalité de plein fouet. Et retourne dans son univers à elle.

A la limite, tu serais davantage pris au sérieux si tu commençais ne serait-ce qu'une ébauche de développement de cette idée (par exemple sur ton blog).

En attendant, le monde libéral, pardon ultralibéral, lui, il tourne.
Avec ou sans nous.

Mis à jour par Zarathoustra le 09 juin 2005 à 13:41
A la limite, tu serais davantage pris au sérieux si tu commençais ne serait-ce qu'une ébauche de développement de cette idée (par exemple sur ton blog).

le partage c'est la santé, ne pas le faire c'est la conserver.

Mis à jour par Zilch le 09 juin 2005 à 16:45

Whoops! ici plutot: http://www.parecon.org/index.html

Mis à jour par Zilch le 09 juin 2005 à 16:47

Qu'est-ce que je disais! :-)

Mis à jour par aqb le 13 juin 2005 à 15:03