24 novembre 2003
Petit lexique d'un conflit : P comme... paix ?

P comme pas la pêche, pas l'énergie, pas la conscience tranquille, P comme sur une toile cirée, P. dans ma tête et mon coeur, P comme injustice ?... Ca se peut pas d'abord. P, c'est soit Palestine, soit Paix. L'idéal serait les deux, mais à choisir... P comme paix. On va essayer de voir à quoi ça pourrait ressembler, la paix...

Inspirez...


A quoi ça peut ressembler, la paix, en Palestine ? Les idées et les mauvaises volontés se télescopent dans ce gâchis sans fin qu'est l'occupation.

Classiquement, les lignes de fracture entre les plans de paix sont : les frontières, les colonies, le droit au retour, et Jérusalem. Les schémas "classiques" sont l'état unique binational, les deux états voisins, ou pour les barjots des deux camps, l'état unique épuré. Revue des troupes...

L'état unique épuré est la thèse des dingues. D'un côté on veut renvoyer les Juifs "chez eux" en Europe ou ailleurs, de l'autre on veut virer les Palestiniens, qu'on n'appelle même pas comme ça parce que ça pourrait suggérer que le mot existe, les Arabes, donc, qu'on veut refourguer à leurs "frères", les frères jordaniens tenant bien malgré eux la corde. On ne mentionne ça que pour l'anecdote : c'est inenvisageable, inimaginable. Point.

L'état unique aurait été la solution de bon sens à l'époque, je crois, mais maintenant le clivage est trop important, et le statut des Arabes israéliens est un peu là pour le prouver. Il est agité en épouvantail en Israël par ceux qui ont peur du péril rose : la natalité présumée galopante des Palestiniens qui finirait, sur le principe du droit de vote pour tous, par éradiquer le caractère judéo-juif de l'état d'Israël. A noter que dans la droite israélienne, où on s'embarrasse rarement de détails, on entend couramment dire qu'une majorité arabe n'est pas un problème dans un état où on ne leur donnerait pas le droit de vote. Des petits relents d'Apartheid revendiqués par des gens comme Eitam, à l'occasion. Un ministre. Car telle est bien la face sombre du tirage au sort de l'état unique : le risque de la création d'un apartheid, déguisé ou pas, avec suffisament de déguisement démocratique pour qu'un benêt comme l'actuel président américain tombe dans le panneau, ou puisse feindre d'y tomber.

Deux états, donc... ?

Ca parait une évidence, mais cette évidence, surtout côté israélien, est occultée par les trois problèmes mentionnés plus tôt : droit au retour, colonies, Jérusalem.

Côté israélien, le droit au retour est vu comme la plus grave des calamités possibles. Le changement avec il y a quelques années, c'est que ce n'est plus tant une question de principe qu'une question pratique. Les Israéliens, si on gratte un peu, n'ont plus trop de mal à admettre qu'il y a bel et bien un problème de réfugiés, et qu'ils y sont pour quelque chose. La thèse des Palestiniens partant tous de leur plein gré a pris du plomb à l'intérieur d'Israël même, et continue à en prendre au fur et à mesure que les archives de la période en question voient le jour. Mais Israël, plus pour des questions démographiques qu'autre chose, ne veut pas d'un retour des réfugiés, car ils pensent qu'ils y perdraient la nature juive de leur état : ils ne transigeront pas là-dessus. Je crois sincèrement qu'ils préfèreraient appuyer sur Le Gros Bouton Rouge que de voir des centaines de milliers de Palestiniens s'installer en Israël. Au fil du temps, le dernier avatar étant l'accord de Genève, on voit s'installer l'acceptation d'un retour symbolique, avec une reconnaissance plus ou moins franche de responsabilité.
Côté Palestinien, le droit au retour est une des mystiques fondatrices de la nation. Mais je crois que la majorité de la population, entre quatre-z-yeux, reconnait que revenir dans le village familial pour y trouver le parking d'un supermarché a assez peu d'attrait. Ajoutons que dans ces circonstances le voisinage pourrait ne pas forcément être très accueillant... alors beaucoup disent qu'une compensation permettant de s'installer ailleurs ferait l'affaire. Ca pose l'éternel conflit entre paix et justice. S'il avait fallu pendre tous les gens ayant participé à l'aventure nazie, l'Allemagne serait aujourd'hui une terre de dangers et de haine. Les Sud-Africains n'ont pas non plus pendu tous les bourreaux de l'Apartheid. Nulle part, jamais, on n'a vu une réconciliation s'opérer dans la totale justice. Il est probable que le droit au retour sera sacrifié sur l'autel de la paix.

Colonies : celles-là aussi feront les frais de la paix, et je ne vais même pas prétendre que ça me désole. La tendance, que ce soit à Taba ou plus récemment pour l'accord de Genève, c'est une évacuation des colonies, sauf les "frontalières", mais avec échange contre des territoires à population palestinienne adjacents aux territoires palestiniens, ou dans certains cas contre des territoires destinés à agrandir la bande de Gaza.

Frontières : les Palestiniens, à part les échanges évoqués à propos des colonies, n'accepteront jamais moins que les frontières de 67. Quiconque s'imagine pouvoir avoir la paix autrement est un rêveur. Quiconque prétend faire la paix autrement est un menteur.

Jérusalem... là encore il faudra bien arriver à un compromis, et depuis Taba et même les paramètres Clinton, l'idée ambiante a peu changé.

Reste la manière : les Israéliens veulent la "sécurité" avant la paix, et peut-être même confondent paix et sécurité. C'est être à bien courte vue.

A titre personnel, j'avais déjà trouvé les résultats des pourparlers de Taba intéressants, mais ils n'ont jamais été formulés que dans le "non papier" de Moratinos, l'envoyé européen aux négociations. L'accord de Genève me parait en être proche, sinon dans le détail au moins dans l'esprit, et j'ai du mal à imaginer "mieux". Mieux aurait été de ne pas foirer l'affaire en 1948, mais on n'en est plus là. Maintenant, c'est 2003, et il faut faire avec.

Respirez, c'est fini.

Écrit par O. le 24 novembre 2003 à 19:47
Réactions

O.
J'ai attendu tellement longtemps ce P.
Et en plus tu n' as pris le Partage que je te proposais.
Je ne participerai pas au Q.
Par mesure de rétorsion.
Ceci dit, il y a environ 1 an j' essayais d'expliquer l'impossibilité d'un accord de paix mentionnant le droit au retour.
A l'époque tu as balayé du revers de la main mon argumentation sous prétexte que c'était trop théorique.Pour Bocq c'était trop long. Pour Muriel et Christine c'était inimaginable qu'on puisse croire un accord possible sans ce que certains continuent à appeler un droit inaliénable.
A bientôt pour R comme( j'espère que tu ne choisiras pas "résistance").
Plutôt R de Responsabilités.

Mis à jour par Marc le 25 novembre 2003 à 05:22

Ah, le droit au retour et sa mystique...

C'est effectivement un droit inalienable. Le probleme du droit au retour, ce n'est pas seulement le refus visceral des Israeliens.
C'est surtout que cela concerne directement la majorite des Palestiniens. Si on compte les palestiniens vivant dans les camps de refugies en cisjordanie, a gaza, en jordanie, au liban, en syrie, etc... et si on additionne tous les Palestiniens vivant en exil (mais pas en camp de refugies), ca fait la majorite.
Alors vous comprenez pourquoi ca 'coince' si fort du cote Palestinien, pourquoi Arafat y tient tellement, et pourquoi ce sont des Palestiniens de cisjordanie NON refugies eux-memes qui sont prets a le brader, ce droit au retour.

Ceci dit, je suis d'accord sur la facon dont O. presente les choses: ca devient une question pratique, et si on presente bien les choses (reconnaissance de responsabilite et donc du PRINCIPE du droit au retour ou de compensations en echange - un geste symbolique fort de la part d'Israel serait extremement bien vu, un geste de paix et de reconciliation), et si on negocie bien (mais pour cela aussi faudrait-il y a voir un honnete arbitre?) ces compensations, je suis sure qu'on peut arriver a un accord qui satisfasse tout le monde.

Mais tout cela necessite deux choses:
1. la reconnaissance de la responsabilite de la part des Israeliens sur la creation de tous ces refugies/exiles, et du PRINCIPE du droit au retour (O. est optimiste la-dessus, je sais pas, on verra).
2. l'existence d'un honnete arbitre qui puisse faire pression sur Israel pour la negociation de ces compensations, afin que les refugies et expatries/exiles (qui representent, je le rappelle, plus de la moitie des Palestiniens dans le monde!) ne l'aient pas dans le Q. encore une fois. Et la, c'est pas gagne non plus...

Mis à jour par Christine le 26 novembre 2003 à 12:05

Les compensations, Christine, ça serait "la communauté internationale" qui paierait, pas Israël. De toute façon ils n'ont pas les moyens.

Mis à jour par O. le 26 novembre 2003 à 12:45

Bon, d'accord, d'ou l'importance du role de cette communaute internationale dans les negociations), mais au moins, la reconnaissance de PRINCIPE, SYMBOLIQUE, mais EXPLICITE. Ca serait un pas formidable vers la reconciliation. Parce que l'accord de Geneve, il est percu du cote palestinien comme ayant renonce au droit au retour. Mauvais, ca.

Alors...R comme reconciliation?

Mis à jour par Christine le 26 novembre 2003 à 13:01

Christine, si tu veux une declaration de principe sur le droit au retour des palestiniens, faudra penser a faire pareil pour tous les juifs expulses des pays Arabes depuis 50 ans. Et eux ils ont ete vraiment expulses, pour le coup, et ce n'est pas que l'avis de quelques dissidents arabes bizarres qui aiment reviser l'histoire a leur desavantage rien que pour l'exercice intellectuel et pour se rendre interessants.

Au bout du compte, si on va a fond dans ce genre de pseudo-justice, tu verras que ce sera meme pas a la communaute internationale, mais aux Arabes du monde entier de payer pour les palestiniens et ceux qui se declarent comme tels. Et ils nous devront encore de l'argent apres ca.

A moins que toi et les tiens vous la fermiez un peu sur cette histoire de droit au retour a dormir debout, pendant que les gens serieux reflechissent a comment etablir une paix entre deux peuples.

Mis à jour par boq le 26 novembre 2003 à 13:51

Plus ça va plus je me dis que si on veut sauver Israël, il faut empêcher les Israéliens de s'en occuper...

Mis à jour par O. le 26 novembre 2003 à 14:12

C'est marrant ce que tu dis, parce que c'est aussi la bonne maniere de detruire Israel.

Autre chose, quand tu ne veux pas debattre par fatigue ou manque d'arguments, evite d'etre trop patronizing quand meme, ca va finir par t'aller.

Mis à jour par boq le 27 novembre 2003 à 09:14

Mais on ne peut pas débattre. On ne parle pas de la même chose. Tu vis dans un univers peuplé de gentils Juifs (sans jeu de mots) d'un côté et de fanatiques sanguinaires de l'autre côté. Je ne peux pas rentrer dans ton monde, et tu ne veux pas rentrer dans le mien, qui est fait d'humains, avec une poignée de sauvages. Moi, je déplore que la poignée de sauvages (avec son pourcentage de Juifs, pour le problème qui nous occupe), mène la danse de tous les autres. Toi, tu continues de croire qu'il n'y a pas de sauvages chez les Juifs.

Bon. J'en prends acte, mais je ne m'épuise pas à discuter là-dessus. D'après toi, certains devraient cesser d'être des sauvages avant les autres. [inexact : pour toi le sauvage c'est l'autre, et il n'y a que lui à être sauvage]. Pour moi, la sauvagerie s'arrêtera quand les sauvages des deux camps cesseront de nuire.

On ne va pas y passer la nuit hein. C'est irréconciliable comme points de vue : je crois aux sauvages dans les deux camps, et toi non.

Pas d'arguments ? Sisi. Mais faut avoir envie de les lire, et ce n'est pas ton cas. Tu ne tiens pas le même discours qu'il y a un an. Il y a un an, tu écoutais les arguments.

Toute démarche, dans n'importe quel conflit de ce type, qui part du principe qu'il n'y a qu'un seul responsable est vouée à l'échec. Il faut être deux pour avoir un conflit.

Oui, il faut mettre fin au terrorisme palestinien. Mais s'imaginer qu'on peut faire l'économie des problèmes qui y sont liés, c'est faire fausse route. Demander aux Palestiniens de balayer devant leur porte sans balayer la sienne, c'est faire fausse route.

Mis à jour par O. le 27 novembre 2003 à 10:28

Dans le genre faire dire ce que je n'ai pas dit, tu fais fort. Est-ce parce que je ne parle pas des sauvages de chez nous, que j'affirme qu'il n'y en a pas ? Ou est-ce plutot parce que tu le fais deja et que donc tu n'as pas besoin de moi pour en rajouter...
Est-ce parce que tu n'as pas fait le moindre texte sur les attentats d'Istanbul, ou bien les mentionner, que je considere que tu les soutiens ?

N'imnporte quoi, vraiment.

Que penses-tu de l'expulsion des juifs des pays arabes depuis 50 ans ? Et il est evidemment question de coup de miroir sur l'histoire des refugies palestiniens et la notion de justice qui en decoule. Il est question d'un bon million de gens, et oui il s'agit bien d'epuration ethnique. Deja reponds a ca plutot que de te livrer a une caricature absurde. Et on pourra peut-etre appeler ca debattre.


Mis à jour par boq le 27 novembre 2003 à 13:45

Il manque les tibétains... d'ordinaire on met aussi les tibétains, là...

Mis à jour par O. le 27 novembre 2003 à 14:10

cqfd.

Mis à jour par boq le 27 novembre 2003 à 14:58

Tu fais la même chose à longueur de temps. On arrive à dire ici que bon, dans un sens, le droit au retour des Palestiniens devra rester symbolique. Pour n'importe qui, et au premier chef pour beaucoup de Palestiniens, c'est une concession plus qu'importante. Notamment quand on la compare aux discours d'origine qui assortissaient ce retour à une leçon de natation généralisée pour les Israéliens.

Mais pour toi, c'est rien, et tu nous expliques péremptoirement qu'il faudrait qu'on la ferme pour que les "gens sérieux" (Ariel ? Effie ?) puissent régler le problème. Et tu voudrais que toi on te prenne au sérieux ? Sans même un moment d'agacement ?

Je suis persuadé que tu trouveras facilement sur le net des sites "pro-palestiniens" plus modérés que CCN. Des gens qui écrivent en dur, à côté de leurs critiques à Israël, le droit à l'existence d'Israël, le rejet du terrorisme palestinien, et de l'autorité du même nom. Sisi, j'en suis certain. Trouves-en, des endroits où on écrit publiquement ce que j'écris sur le droit au retour, ou qui écrivent que l'antisionisme n'est souvent qu'un antisémitisme déguisé.

Et si tu veux, en prime, je te refile les mails de réaction que ça m'amène du côté "pro-palestinien". C'est plaisant, je te jure.

Mais bon, mon discours, c'est un peu comme l'accord de Genève : si ça fait chier à la fois les admirateurs de Sharon et ceux du Hamas, c'est que quelque part je dois pas être loin de ma seule ambition : être honnête.

Clown méprisant pour les uns, agent sioniste provocateur pour les autres, je pourrais facilement en avoir raz la bombonnière et envoyer chier tout le monde. Mais non. Je continuerai à être ce que je suis et à maintenir un espace où les gens ayant envie de DISCUTER pourront le faire. Maintenant, ce que je suis, on aime, ou on aime pas. Pas mon problème. Fais ce que tu veux, Boq. Mais pour discuter, faut prendre les gens au sérieux.

Mis à jour par O. le 27 novembre 2003 à 15:28