06 octobre 2003
(courte) lettre à monsieur l'ambassadeur israélien auprès de l'ONU

Monsieur l'Ambassadeur,

Je vous regardais hier discourir devant les caméras du monde, avant le début de la réunion du Conseil de Sécurité demandée par la Syrie suite à vous savez quoi.

Vous ne le savez pas, mais j'ai toujours une tendance à me mettre du côté des victimes, et chaque fois qu'un attentat a lieu en Israël, où j'ai quelques amis, je suis dévasté d'un mélange de tristesse et de colère. Je suis un critique assidu de votre gouvernement, pour tout un tas de raisons, mais je ne me suis jamais considéré ni imaginé en ennemi d'Israël.

Hier, donc, je vous regardais boire du petit lait devant les caméras, avec votre blague pénible : "voir la Syrie demander une réunion du conseil de sécurité après cette attaque, c'est comme voir Ben Laden demander une réunion du conseil de sécurité après le 11 septembre". Super drôle. Et vous d'insister : vous trouviez affligeant que cette réunion puisse simplement avoir lieu. Au passage, Monsieur l'Ambassadeur, c'est un peu ça, l'idée de la démocratie : on prend en compte, un peu, même les idées des gens qu'on n'aime pas.

Jusque là, encore tout allait bien. Mais il a fallu que vous franchissiez la ligne jaune, ou plus exactement que vous me mettiez en face de la ligne jaune : "n'oubliez pas que ceci est la guerre contre le terrorisme. Vous êtes soit contre les terroristes, soit avec les terroristes. Vous êtes soit avec nous, soit contre nous".

Monsieur l'Ambassadeur, vous me mettez devant un choix difficile. Le terrorisme étant, si j'ai bien compris, l'emploi de la violence contre une population civile à des fins politiques, j'ai un peu de mal à discerner la ligne fatidique qui sépare les uns des autres.

Ne vous méprenez pas, Monsieur l'Ambassadeur : les attentats suicide qui ravagent Israël me sont odieux. Peut-être même que je les déteste plus que vous, en fait. Parce que moi, outre les victimes israéliennes, je vois les victimes "au second degré" : mes amis palestiniens qui vont subir le contre-coup. Quand je vous dis que je suis dans le camp des victimes : toutes les victimes.

Je les déteste, donc, ces attentats, comme je déteste ceux qui frappent partout, en Irak, au Pakistan, en Colombie, [insérer ici le nom du pays auquel vous pensez]. Je les déteste, parce que j'ai appris de première main la douleur, la terreur dans les regards, les déambulations hébétées de ceux qui viennent de perdre un proche. Occasionnellement, j'ai ramassé un morceau de corps ici où là, transporté des blessés. J'ai été soumis à l'arbitraire de la violence aveugle, j'ai vu la maison d'un voisin soufflée en pleine nuit par une charge explosive, je sais le choc qu'on ressent quand une explosion se produit pas loin. J'ai marché dans les rues en pressant parfois le pas, en me demandant si c'était bien raisonnable de sortir ce jour là. J'ai pleuré de peur une nuit, recroquevillé dans une encoignure, tellement la violence était proche de moi, devenait plus palpable...

... un an après, Monsieur l'Ambassadeur, tout comme les victimes survivantes de l'attentat d'HaÏfa dans un an, j'ai encore des cauchemars de violence.

Mais ces cauchemars, Monsieur l'Ambassadeur, ils me sont venus de mon séjour en Palestine. Ce qui m'a fait courir dans la rue, pleurer la nuit, ce qui m'a fait un jour m'aplatir au sol pendant que des balles touchaient le mur à quelques centimètres de moi, c'est l'armée israélienne, la brigade Golani à Jénine, ou des réservistes à Ramallah. Ceux qui m'ont frappé à coups de crosse portaient votre uniforme. Celui qui m'a un jour refusé le passage, à quelques mètres d'un hôpital, alors que je portais un bébé mourant, était un de vos officiers.

Monsieur l'Ambassadeur, je suis d'accord avec vous sur un point : la violence terroriste est inacceptable. Quand vous voulez me forcer à être avec ou contre les terroristes, c'est facile pour moi : je suis contre.

Mais, quand vous voulez me montrer où se trouve la ligne jaune, je ne la vois pas.

Avec ou contre vous ?

Désolé : Contre... aussi.

[Entre les oreilles : Mishaela-Noa]

Écrit par O. le 06 octobre 2003 à 07:00
Réactions

BRAVO

pourvu que Mr l'Ambassadeur et d'autres lisent cette lettre........pourvu..

Mis à jour par Danielle le 06 octobre 2003 à 10:25

Oui, pourvu que...
Des qu'on parle de voile islamique, alors la, plein de reactions... Mais ici, point.
Qui ne dit mot consent?

Mis à jour par Christine le 07 octobre 2003 à 12:51