08 février 2003
Liberté chérie

En France, on a de la chance, on a des tas de lois pour nous protéger de tellement de choses. Et puis maintenant, avec l'internet, c'est une jungle qui a bien besoin de règles. Tout le monde peut mettre ce qu'il veut sur un petit site qui peut, incroyablement rapidement, être connu de tous. Et ça ne peut que poser des problèmes en cascade. On se souvient de l'affaire Lacambre, mais les exemples sont légion. Fermetures de sites, gratuits ou pas, de forums, on ne compte plus les interventions de la justice et parfois celles, préventives, des hébergeurs.

Mais le problème, posé simplement, est: qui est responsable de ce qui est mis sur internet?

Dans le cas Lacambre, on a pratiquement oublié le site Silversurfeur, qui en était pourtant à l'origine. Créé par un utilisateur d'Altern, hébergeur gratuit à l'époque, dirigé par Valentin Lacambre, il avait mis en ligne des photos d'Estelle Halliday concrètement dénudée. Mais l'attaque s'est portée sur l'hébergeur et non sur le site incriminé. Au jour d'aujourd'hui, cette responsabilité est définie dans l'article 43-8 de la loi (n°86-1067 du 30 septembre 1986) relative à la liberté de communication qui stipule que l'hébergeur n'est pénalement ou civilement responsable qu'après avoir été saisi par une autorité judiciaire et si il n'a pas fait "promptement" en sorte d'empêcher l'accès à ce contenu. Jusque là, ça semble raisonnable.

Ce qui l'est moins, c'est un récent projet de loi à l'intitulé sibyllin: pour la confiance dans l'économie numérique qui "complète" la loi sur la liberté de communication précédemment citée, en remplaçant les articles 43-8 et 43-9. Les nouvelles dispositions exigent que l'hébergeur soit le censeur du contenu de son site "dès le moment où il a eu la connaissance effective de son caractère illicite" (voir articles ci-dessous). On a même plus besoin de lui demander gentiment de retirer quelque chose, il est déjà en tort. Je ne vais même pas détailler le glissement de "la communication" à "l'économie" dans l'intitulé, ni le fait que la couverture médiatique de ce projet est pratiquement nulle (compléments d'information bienvenus).

C'est une menace importante qui pèse sur l'internet en France dont C'est Chez Nous ! pourrait très bien, un jour, faire les frais. Et je ne parle même pas de Brest-Jérusalem que je devrais fermer immédiatement, par sécurité. Parce que j'en suis l'hébergeur en bout de chaîne, parmi d'autres sites dont quelques-uns en relation directe avec mon gagne-pain (qui est, pour ceux qui n'auraient pas suivi, de faire des sites internet, entres autres). Mais je dépends de l'hébergeur "physique", celui qui prend soin de la machine qui ne fera pas forcément la différence.

Allez envoyer un e-mail à nos instances dirigeantes, allez signer la pétition contre cette loi, diffusez l'information: il ne faut pas qu'elle passe.

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Les articles en question:

« Art. 43-8. - Les personnes qui assurent, même à titre gratuit, le stockage direct et permanent pour mise à disposition du public de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature accessibles par des services de communication publique en ligne, ne peuvent voir leur responsabilité civile engagée du fait de la diffusion de ces informations ou activités que si, dès le moment où elles ont eu la connaissance effective de leur caractère illicite, ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère illicite, elles n'ont pas agi avec promptitude pour retirer ces données ou rendre l'accès à celles-ci impossible.

« Art. 43-9. - Les personnes désignées à l'article 43-8 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée que si, en connaissance de cause, elles n'ont pas agi avec promptitude pour faire cesser la diffusion d?une information ou d'une activité dont elles ne pouvaient ignorer le caractère illicite.

Écrit par gemp le 08 février 2003 à 16:10
Réactions

Comme il dit, Paul : faut pas qu'ça passe.

Du contrôle, oui. Mais dans les mains des professionnels, pas aux mains des groupuscules de pression.

Mis à jour par O. le 08 février 2003 à 18:35