janvier 14, 2003
Devoir de mŽmoire...

En parlant avec P. de ce qu'un homme d'Žtat devrait tre, il m'en est revenu un en mŽmoire. Voici un discours d'homme dŽtat.

On y trouve entre autres le passage suivant :

Allons plus loin. Si, dans les dŽmocraties voisines, pourtant en proie au terrorisme, on se refuse ˆ rŽtablir la peine de mort, c'est, bien sžr, par exigence morale, mais aussi par raison politique. Vous savez en effet, qu'aux yeux de certains et surtout des jeunes, l'exŽcution du terroriste le transcende, le dŽpouille de ce qu'a ŽtŽ la rŽalitŽ criminelle de ses actions, en fait une sorte de hŽros qui aurait ŽtŽ jusqu'au bout de sa course, qui, s'Žtant engagŽ au service d'une cause, aussi odieuse soit-elle, l'aurait servie jusqu'ˆ la mort. Ds lors, appara”t le risque considŽrable, que prŽcisŽment les hommes d'Etat des dŽmocraties amies ont pesŽ, de voir se lever dans l'ombre, pour un terroriste exŽcutŽ, vingt jeunes gens ŽgarŽs. Ainsi, loin de le combattre, la peine de mort nourrirait le terrorisme.

A cette considŽration de fait, il faut ajouter une donnŽe morale : utiliser contre les terroristes la peine de mort, c'est, pour une dŽmocratie, faire siennes les valeurs de ces derniers. Quand, aprs l'avoir arrtŽ, aprs lui avoir extorquŽ des correspondances terribles, les terroristes, au terme d'une parodie dŽgradante de justice, exŽcutent celui qu'ils ont enlevŽ, non seulement ils commettent un crime odieux, mais ils tendent ˆ la dŽmocratie le pige le plus insidieux, celui d'une violence meurtrire qui, en forant cette dŽmocratie ˆ recourir ˆ la peine de mort, pourrait leur permettre de lui donner, par une sorte d'inversion des valeurs, le visage sanglant qui est le leur.

Cette tentation, il faut la refuser, sans jamais, pour autant, composer avec cette forme ultime de la violence, intolŽrable dans une dŽmocratie, qu'est le terrorisme.

A mŽditer. Lisez le discours en entier, dans la suite de l'article... histoire de le replacer dans son contexte...

AssemblŽe nationale - 1re sŽance du 17 septembre 1981

M. le prŽsident. La parole est ˆ M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. le garde des sceaux. Monsieur le prŽsident, mesdames, messieurs les dŽputŽs, j'ai l'honneur au nom du Gouvernement de la RŽpublique, de demander ˆ l'AssemblŽe nationale l'abolition de la peine de mort en France.

En cet instant, dont chacun d'entre vous mesure la portŽe qu'il revt pour notre justice et pour nous, je veux d'abord remercier la commission des lois parce qu'elle a compris l'esprit du projet qui lui Žtait prŽsentŽ et, plus particulirement son rapporteur, M. Edmond Forni, non seulement parce qu'il est un homme de c?ur et de talent mais parce qu'il a luttŽ dans les annŽes ŽcoulŽes pour l'abolition. Au-delˆ de sa personne et comme lui, je tiens ˆ remercier tous ceux, quelle que soit leur appartenance politique qui, au cours des annŽes passŽes, notamment au sein des commissions des lois prŽcŽdentes, ont Žgalement ?uvrŽ pour que l'abolition soit dŽcidŽe, avant mme que n'intervienne le changement politique majeur que nous connaissons.

Cette communion d'esprit, cette communautŽ de pensŽe ˆ travers les clivages politiques montrent bien que le dŽbat qui est ouvert aujourd'hui devant vous est d'abord un dŽbat de conscience et le choix auquel chacun d'entre vous procŽdera l'engagera personnellement.

Raymond Forni a eu raison de souligner qu'une longue marche s'achve aujourd'hui. Prs de deux sicles se sont ŽcoulŽs depuis que dans la premire assemblŽe parlementaire qu'ait connue la France, Le Pelletier de Saint-Fargeau demandait l'abolition de la peine capitale. C'Žtait en 1791.

Je regarde la marche de la France.

La France est grande, non seulement par sa puissance, mais au-delˆ de sa puissance, par l'Žclat des idŽes, des causes, de la gŽnŽrositŽ qui l'ont emportŽ aux moments privilŽgiŽs de son histoire.

La France est grande parce qu'elle a ŽtŽ la premire en Europe ˆ abolir la torture malgrŽ les esprits prŽcautionneux qui, dans le pays, s'exclamaient ˆ l'Žpoque que, sans la torture, la justice franaise serait dŽsarmŽe, que, sans la torture, les bons sujets seraient livrŽs aux scŽlŽrats.

La France a ŽtŽ parmi les premiers pays du monde ˆ abolir l'esclavage, ce crime qui dŽshonore encore l'humanitŽ.

Il se trouve que la France aura ŽtŽ, en dŽpit de tant d'efforts courageux l'un des derniers pays, presque le dernier - et je baisse la voix pour le dire - en Europe occidentale, dont elle a ŽtŽ si souvent le foyer et le p™le, ˆ abolir la peine de mort.

Pourquoi ce retard ? Voilˆ la premire question qui se pose ˆ nous.

Ce n'est pas la faute du gŽnie national. C'est de France, c'est de cette enceinte souvent, que se sont levŽes les plus grandes voix, celles qui ont rŽsonnŽ le plus haut et le plus loin dans la conscience humaine, celles qui ont soutenu, avec le plus d'Žloquence la cause de l'abolition. Vous avez, fort justement, monsieur Forni, rappelŽ Hugo, j'y ajouterai, parmi les Žcrivains, Camus. Comment, dans cette enceinte, ne pas penser aussi ˆ Gambetta, ˆ Clemenceau et surtout au grand Jaurs ? Tous se sont levŽs. Tous ont soutenu la cause de l'abolition. Alors pourquoi le silence a-t-il persistŽ et pourquoi n'avons-nous pas aboli ?

Je ne pense pas non plus que ce soit ˆ cause du tempŽrament national. Les Franais ne sont certes pas plus rŽpressifs, moins humains que les autres peuples. Je le sais par expŽrience. Juges et jurŽs franais savent tre aussi gŽnŽreux que les autres. La rŽponse n'est donc pas lˆ. Il faut la chercher ailleurs.

Pour ma part j'y vois une explication qui est d'ordre politique. Pourquoi ?

L'abolition, je l'ai dit, regroupe, depuis deux sicles, des femmes et des hommes de toutes les classes politiques et, bien au delˆ, de toutes les couches de la nation.

Mais si l'on considre l'histoire de notre pays, on remarquera que l'abolition, en tant que telle, a toujours ŽtŽ une des grandes causes de la gauche franaise. Quand je dis gauche, comprenez moi, j'entends forces de changement, forces de progrs, parfois forces de rŽvolution, celles qui, en tout cas, font avancer l'histoire. (Applaudissements sur les bancs des socialistes, sur de nombreux bancs des communistes et sur quelques bancs de l'union pour la dŽmocratie franaise )

Examinez simplement ce qui est la vŽritŽ. Regardez-la.

J'ai rappelŽ 1791, la premire Constituante, la grande Constituante. Certes elle n'a pas aboli, mais elle a posŽ la question, audace prodigieuse en Europe ˆ cette Žpoque. Elle a rŽduit le champ de la peine de mort plus que partout ailleurs en Europe.

La premire assemblŽe rŽpublicaine que la France ait connue, la grande Convention, le 4 brumaire an IV de la RŽpublique, a proclamŽ que la peine de mort Žtait abolie en France ˆ dater de l'instant o la paix gŽnŽrale serait rŽtablie.

M. Albert Brochard. On sait ce que cela a cožtŽ en VendŽe !

Plusieurs dŽputŽs socialistes. Silence les Chouans !

M. le garde des sceaux. La paix fut rŽtablie mais avec elle Bonaparte arriva. Et la peine de mort s'inscrivit dans le code pŽnal qui est encore le n™tre, plus pour longtemps, il est vrai.

Mais suivons les Žlans.

La RŽvolution de 1830 a engendrŽ, en 1832, la gŽnŽralisation des circonstances attŽnuantes ; le nombre des condamnations ˆ mort diminue aussit™t de moitiŽ.

La RŽvolution de 1848 entra”na l'abolition de la peine de mort en matire politique que la France ne remettra plus en cause jusqu'ˆ la guerre de 1939.

Il faudra attendre ensuite qu'une majoritŽ de gauche soit Žtablie au centre de la vie politique franaise, dans les annŽes qui suivent 1900, pour que soit ˆ nouveau soumise aux reprŽsentants du peuple la question de l'abolition. C'est alors qu'ici mme s'affrontrent dans un dŽbat dont l'histoire de l'Žloquence conserve pieusement le souvenir vivant, et Barrs et Jaurs.

Jaurs - que je salue en votre nom ˆ tous - a ŽtŽ, de tous les orateurs de la gauche, de tous les socialistes, celui qui a menŽ le plus haut, le plus loin, le plus noblement l'Žloquence du coeur et l'Žloquence de la raison, celui qui a servi, comme personne, le socialisme, la libertŽ et l'abolition. (Applaudissements sur les bancs des socialistes et sur plusieurs bancs des communistes.)

Jaurs... (Interruptions sur les bancs de l'union de la dŽmocratie franaise et du rassemblement pour la RŽpublique.)

Il y a des noms qui gnent encore certains d'entre vous ? (Applaudissements sur les bancs des socialistes et des communistes.)

M. Michel Noir. Provocateur!

M. Jean Brocard. Vous n'tes pas ˆ la cour, mais ˆ l'AssemblŽe!

M. le prŽsident. Messieurs de l'opposition. je vous en prie.

Jaurs appartient, au mme titre que d'autres hommes politiques, ˆ l'histoire de notre pays. (Applaudissements sur les mmes bancs.)

M. Roger Corrze. Mais pas Badinter!

M. Robert Wagner.<.B> Il vous manque des manches, monsieur le garde des sceaux!

M. le prŽsident. Veuillez continuer, monsieur le garde des sceaux.

M.le garde des sceaux. Messieurs, j'ai saluŽ BarrŽs en dŽpit de l'Žloignement de nos conceptions sur ce point ; je n'ai pas besoin d'insister.

Mais je dois rappeler, puisque, ˆ l'Žvidence, sa parole n'est pas Žteinte en vous, la phrase que pronona Jaurs : "La peine de mort est contraire ˆ ce que l'humanitŽ depuis deux mille ans a pensŽ de plus haut et rve de plus noble. Elle est contraire ˆ la fois ˆ l'esprit du christianisme et ˆ l'esprit de la RŽvolution."

En 1908, Briand, ˆ son tour, entreprit de demander ˆ la Chambre l'abolition. Curieusement, il ne le fit pas en usant de son Žloquence. Il s'effora de convaincre en reprŽsentant ˆ la Chambre une donnŽe trs simple, que l'expŽrience rŽcente - de l'Žcole positiviste - venait de mettre en lumire.

Il fit observer en effet que par suite du tempŽrament divers des PrŽsidents de la RŽpublique, qui se sont succŽdŽ ˆ cette Žpoque de grande stabilitŽ sociale et Žconomique, la pratique de la peine de mort avait singulirement ŽvoluŽ pendant deux fois dix ans : 1888-1897, les PrŽsidents faisaient exŽcuter ; 1898-1907, les PrŽsidents - Loubet, Fallires - abhorraient la peine de mort et, par consŽquent, accordaient systŽmatiquement la gr‰ce. Les donnŽes Žtaient claires : dans la premire pŽriode o l'on pratique l'exŽcution : 3 066 homicides ; dans la seconde pŽriode, o la douceur des hommes fait qu'ils y rŽpugnent et que la peine de mort dispara”t de la pratique rŽpressive : 1 068 homicides, prs de la moitiŽ.

Telle est la raison pour laquelle Briand, au-delˆ mme des principes, vint demander ˆ la Chambre d'abolir la peine de mort qui, la France venait ainsi de le mesurer, n'Žtait pas dissuasive.

Il se trouva qu'une partie de la presse entreprit aussit™t une campagne trs violente contre les abolitionnistes. Il se trouva qu'une partie de la Chambre n'eut point le courage d'aller vers les sommets que lui montrait Briand. C'est ainsi que la peine de mort demeura en 1908 dans notre droit et dans notre pratique.

Depuis lors - soixante-quinze ans - jamais, une assemblŽe parlementaire n'a ŽtŽ saisie d'une demande de suppression de la peine de mort.

Je suis convaincu - cela vous fera plaisir - d'avoir certes moins d'Žloquence que Briand mais je suis sžr que, vous, vous aurez plus de courage et c'est cela qui compte.

M. Albert Brochard. Si c'est cela le courage !

M. Robert Aumont. Cette interruption est malvenue !

M. Roger Corrze. Il y a eu aussi des gouvernements de gauche pendant tout ce temps!

M. le garde des sceaux. Les temps passrent.

On peut s'interroger : pourquoi n'y a-t-il rien eu en 1936 ? La raison est que le temps de la gauche fut comptŽ. L'autre raison, plus simple, est que la guerre pesait dŽjˆ sur les esprits. Or, les temps de guerre ne sont pas propices ˆ poser la question de l'abolition. Il est vrai que la guerre et l'abolition ne cheminent pas ensemble.

La LibŽration. Je suis convaincu, pour ma part, que, si le gouvernement de la LibŽration n'a pas posŽ la question de l'abolition, c'est parce que les temps troublŽs, les crimes de la guerre, les Žpreuves terribles de l'occupation faisaient que les sensibilitŽs n'Žtaient pas ˆ cet Žgard prtes. Il fallait que reviennent non seulement la paix des armes mais aussi la paix des coeurs.

Cette analyse vaut aussi pour les temps de la dŽcolonisation.

C'est seulement aprs ces Žpreuves historiques qu'en vŽritŽ pouvait tre soumise ˆ votre assemblŽe la grande question de l'abolition.

Je n'irai pas plus loin dans l'interrogation - M. Forni l'a fait - mais pourquoi, au cours de la dernire lŽgislature, les gouvernements n'ont-ils pas voulu que votre assemblŽe soit saisie de l'abolition alors que la commission des lois et tant d'entre vous, avec courage, rŽclamaient ce dŽbat ? Certains membres du gouvernement - et non des moindres - s'Žtaient dŽclarŽs, a titre personnel, partisans de l'abolition mais on avait le sentiment ˆ entendre ceux qui avaient la responsabilitŽ de la proposer, que, dans ce domaine, il Žtait, lˆ encore, urgent d'attendre.

Attendre, aprs deux cents ans !

Attendre, comme si la peine de mort ou la guillotine Žtait un fruit qu'on devrait laisser mžrir avant de le cueillir !

Attendre ? Nous savons bien en vŽritŽ que la cause Žtait la crainte de l'opinion publique. D'ailleurs, certains vous diront, mesdames, messieurs les dŽputŽs, qu'en votant l'abolition vous mŽconna”triez les rgles de la dŽmocratie parce que vous ignoreriez l'opinion publique. Il n'en est rien.

Nul plus que vous, ˆ l'instant du vote sur l'abolition, ne respectera la loi fondamentale de la dŽmocratie.

Je me rŽfre non pas seulement ˆ cette conception selon laquelle le Parlement est, suivant l'image employŽe par un grand Anglais, un phare qui ouvre la voie de l'ombre pour le pays, mais simplement ˆ la loi fondamentale de la dŽmocratie qui est la volontŽ du suffrage universel et, pour les Žlus, le respect du suffrage universel.

Or, ˆ deux reprises, la question a ŽtŽ directement - j'y insiste - posŽe devant l'opinion publique.

Le PrŽsident de la RŽpublique a fait conna”tre ˆ tous, non seulement son sentiment personnel, son aversion pour la peine de mort, mais aussi, trs clairement, sa volontŽ de demander au Gouvernement de saisir le Parlement d'une demande d'abolition, s'il Žtait Žlu. Le pays lui a rŽpondu : oui.

Il y a eu ensuite des Žlections lŽgislatives. Au cours de la campagne Žlectorale. il n'est pas un des partis de gauche qui n'ait fait figurer publiquement dans son programme...

M. Albert Brochard. Quel programme ?

M. le garde des sceaux. ... l'abolition de la peine de mort.

Le pays a Žlu une majoritŽ de gauche ; ce faisant, en connaissance de cause, il savait qu'il approuvait un programme lŽgislatif dans lequel se trouvait inscrite, au premier rang des obligations morales, l'abolition de la peine de mort.

Lorsque vous la voterez, c'est ce pacte solennel, celui qui lie l'Žlu au pays, celui qui fait que son premier devoir d'Žlu est le respect de l'engagement pris avec ceux qui l'ont choisi, cette dŽmarche de respect du suffrage universel et de la dŽmocratie qui sera la v™tre.

D'autres vous diront que l'abolition, parce qu'elle pose question ˆ toute conscience humaine, ne devrait tre dŽcidŽe que par la voie de rŽfŽrendum. Si l'alternative existait, la question mŽriterait sans doute examen. Mais, vous le savez aussi bien que moi et Raymond Forni l'a rappelŽ, cette voie est constitutionnellement fermŽe.

Je rappelle ˆ l'AssemblŽe - mais en vŽritŽ ai-je besoin de le faire ? - que le gŽnŽral de Gaulle, fondateur de la Vme RŽpublique, n'a pas voulu que les questions de sociŽtŽ ou, si l'on prŽfre, les questions de morale soient tranchŽes par la procŽdure rŽfŽrendaire.

Je n'ai pas besoin non plus de vous rappeler, mesdames, messieurs les dŽputŽs, que la sanction pŽnale de l'avortement aussi bien que de la peine de mort se trouvent inscrites dans les lois pŽnales qui, aux termes de la Constitution, relvent de votre seul pouvoir.

Par consŽquent, prŽtendre s'en rapporter ˆ un rŽfŽrendum, ne vouloir rŽpondre que par un rŽfŽrendum, c'est mŽconna”tre dŽlibŽrŽment ˆ la fois l'esprit et la lettre de la Constitution et c'est, par une fausse habiletŽ, refuser de se prononcer publiquement par peur de l'opinion publique. (Applaudissements sur les bancs des socialistes et sur quelques bancs des communistes.)

Rien n'a ŽtŽ fait pendant les annŽes ŽcoulŽes pour Žclairer cette opinion publique. Au contraire ! On a refusŽ l'expŽrience des pays abolitionnistes ; on ne s'est jamais interrogŽ sur le fait essentiel que les grandes dŽmocraties occidentales, nos proches, nos s?urs, nos voisines, pouvaient vivre sans la peine de mort. On a nŽgligŽ les Žtudes conduites par toutes les grandes organisations internationales, tels le Conseil de l'Europe, le Parlement europŽen, les Nations unies elles-mmes dans le cadre du comitŽ d'Žtudes contre le crime. On a occultŽ leurs constantes conclusions. Il n'a jamais, jamais ŽtŽ Žtabli une corrŽlation quelconque entre la prŽsence ou l'absence de la peine de mort dans une lŽgislation pŽnale et la courbe de la criminalitŽ sanglante. On a, par contre, au lieu de rŽvŽler et de souligner ces Žvidences, entretenu l'angoisse, stimulŽ la peur, favorisŽ la confusion. On a bloquŽ le phare sur l'accroissement indiscutable, douloureux, et auquel il faudra faire face, mais qui est liŽ ˆ des conjonctures Žconomiques et sociales, de la petite et moyenne dŽlinquance de violence, celle qui, de toute faon, n'a jamais relevŽ de la peine de mort. Mais tous les esprits loyaux s'accordent sur le fait qu'en France la criminalitŽ sanglante n'a jamais variŽ - et mme, compte tenu du nombre d'habitants, tend plut™t ˆ stagner ; on s'est tu. En un mot, s'agissant de l'opinion, parce qu'on pensait aux suffrages, on a attisŽ l'angoisse collective et on a refusŽ ˆ l'opinion publique les dŽfenses de la raison. (Applaudissements sur les bancs des socialistes et sur quelques bancs des communistes.)

En vŽritŽ, la question de la peine de mort est simple pour qui veut l'analyser avec luciditŽ. Elle ne se pose pas en termes de dissuasion, ni mme de technique rŽpressive, mais en termes de choix politique ou de choix moral.

Je l'ai dŽjˆ dit, mais je le rŽpte volontiers au regard du grand silence antŽrieur : le seul rŽsultat auquel ont conduit toutes les recherches menŽes par les criminologues est la constatation de l'absence de lien entre la peine de mort et l'Žvolution de la criminalitŽ sanglante. Je rappelle encore ˆ cet Žgard les travaux du Conseil de l'Europe de 1962 ; le Livre blanc anglais, prudente recherche menŽe ˆ travers tous les pays abolitionnistes avant que les Anglais ne se dŽcident ˆ abolir la peine de mort et ne refusent depuis lors, par deux fois, de la rŽtablir ; le Livre blanc canadien, qui a procŽdŽ selon la mme mŽthode ; les travaux conduits par le comitŽ pour la prŽvention du crime crŽŽ par l'O.N.U., dont les derniers textes ont ŽtŽ ŽlaborŽs l'annŽe dernire ˆ Caracas ; enfin, les travaux conduits par le Parlement europŽen, auxquels j'associe notre amie Mme Roudy, et qui ont abouti ˆ ce vote essentiel par lequel cette assemblŽe, au nom de l'Europe qu'elle reprŽsente, de l'Europe occidentale bien sžr, s'est prononcŽe ˆ une Žcrasante majoritŽ pour que la peine de mort disparaisse de l'Europe. Tous, tous se rejoignent sur la conclusion que j'Žvoquais.

Il n'est pas difficile d'ailleurs, pour qui veut s'interroger loyalement, de comprendre pourquoi il n'y a pas entre la peine de mort et l'Žvolution de la criminalitŽ sanglante ce rapport dissuasif que l'on s'est si souvent appliquŽ ˆ chercher sans trouver sa source ailleurs, et j'y reviendrai dans un instant. Si vous y rŽflŽchissez simplement, les crimes les plus terribles, ceux qui saisissent le plus la sensibilitŽ publique - et on le comprend - ceux qu'on appelle les crimes atroces sont commis le plus souvent par des hommes emportŽs par une pulsion de violence et de mort qui abolit jusqu'aux dŽfenses de la raison. A cet instant de folie, ˆ cet instant de passion meurtrire, l'Žvocation de la peine, qu'elle soit de mort ou qu'elle soit perpŽtuelle, ne trouve pas sa place chez l'homme qui tue.

Qu'on ne me dise pas que, ceux-lˆ, on ne les condamne pas ˆ mort. Il suffirait de reprendre les annales des dernires annŽes pour se convaincre du contraire. Olivier, exŽcutŽ, dont l'autopsie a rŽvŽlŽ que son cerveau prŽsentait des anomalies frontales. Et Carrein, et Rousseau, et Garceau.

Quant aux autres, les criminels dits de sang-froid, ceux qui psent les risques, ceux qui mŽditent le profit et la peine, ceux-lˆ, jamais vous ne les retrouverez dans des situations o ils risquent l'Žchafaud. Truands raisonnables, profiteurs du crime, criminels organisŽs, proxŽntes, trafiquants, maffiosi, jamais vous ne les trouverez dans ces situations-lˆ. Jamais ! (Applaudissements sur les bancs des socialistes et des communistes.)

Ceux qui interrogent les annales judiciaires, car c'est lˆ o s'inscrit dans sa rŽalitŽ la peine de mort, savent que dans les trente dernires annŽes vous n'y trouvez pas le nom d'un "grand" gangster, Si l'on peut utiliser cet adjectif en parlant de ce type d'hommes. Pas un seul "ennemi public" n'y a jamais figurŽ.

M. Jean Brocard. Et Mesrine ?

M. Hyacinthe Santoni. Et Buffet ? Et Bontems ?

M. le garde des sceaux. Ce sont les autres, ceux que j'Žvoquais prŽcŽdemment qui peuplent ces annales.

En fait, ceux qui croient ˆ la valeur dissuasive de la peine de mort mŽconnaissent la vŽritŽ humaine. La passion criminelle n'est pas plus arrtŽe par la peur de la mort que d'autres passions ne le sont qui, celles-lˆ, sont nobles.

Et si la peur de la mort arrtait les hommes, vous n'auriez ni grands soldats, ni grands sportifs. Nous les admirons, mais ils n'hŽsitent pas devant la mort. D'autres, emportŽs par d'autres passions, n'hŽsitent pas non plus. C'est seulement pour la peine de mort qu'on invente l'idŽe que la peur de la mort retient l'homme dans ses passions extrmes. Ce n'est pas exact.

Et, puisqu'on vient de prononcer le nom de deux condamnŽs ˆ mort qui ont ŽtŽ exŽcutŽs, je vous dirai pourquoi, plus qu'aucun autre, je puis affirmer qu'il n'y a pas dans la peine de mort de valeur dissuasive : sachez bien que, dans la foule qui, autour du palais de justice de Troyes, criait au passage de Buffet et de Bontems : "A mort Buffet ! A mort Bontems !" se trouvait un jeune homme qui s'appelait Patrick Henry. Croyez-moi, ˆ ma stupŽfaction, quand je l'ai appris, j'ai compris ce que pouvais signifier, ce jour-lˆ, la valeur dissuasive de la peine de mort ! (Applaudissements sur les bancs des socialistes et des communistes.)

M. Pierre Micaux. Allez l'expliquer ˆ Troyes !

M. le garde des sceaux. Et pour vous qui tes hommes d'Etat, conscients de vos responsabilitŽs, croyez-vous que les hommes d'Etat, nos amis, qui dirigent le sort et qui ont la responsabilitŽ des grandes dŽmocraties occidentales, aussi exigeante que soit en eux la passion des valeurs morales qui sont celles des pays de libertŽ, croyez-vous que ces hommes responsables auraient votŽ l'abolition ou n'auraient pas rŽtabli la peine capitale s'ils avaient pensŽ que celle-ci pouvait tre de quelque utilitŽ par sa valeur dissuasive contre la criminalitŽ sanglante ? Ce serait leur faire injure que de le penser.

M. Albert Brochard. Et en Californie ?

Reagan est sans doute un rigolo!

M. le garde des sceaux.<.B> Nous lui transmettrons le propos. Je suis sžr qu'il apprŽciera l'Žpithte !

Il suffit, en tout cas, de vous interroger trs concrtement et de prendre la mesure de ce qu'aurait signifiŽ exactement l'abolition si elle avait ŽtŽ votŽe en France en 1974, quand le prŽcŽdent PrŽsident de la RŽpublique confessait volontiers, mais gŽnŽralement en privŽ, son aversion personnelle pour la peine de mort.

L'abolition votŽe an 1974, pour le septennat qui s'est achevŽ en 1981, qu'aurait-elle signifiŽ pour la sžretŽ et la sŽcuritŽ des Franais ? Simplement ceci : trois condamnŽs ˆ mort, qui se seraient ajoutŽs au 333 qui se trouvent actuellement dans nos Žtablissements pŽnitentiaires. Trois de plus.

Lesquels ? Je vous les rappelle. Christian Ranucci : je n'aurais garde d'insister, il y a trop d'interrogations qui se lvent ˆ se sujet, et ces seules interrogations suffisent, pour toute conscience Žprise de justice, ˆ condamner la peine de mort. JŽr™me Carrein : dŽbile, ivrogne, qui a commis un crime atroce mais qui avait pris par la main devant tout le village la petite fille qu'il allait tuer quelques instants plus tard, montrant par lˆ mme qu'il ignorait la force qui allait l'emporter. (Murmures sur plusieurs bancs du rassemblement pour la RŽpublique et de l'union pour la dŽmocratie franaise.) Enfin, Djandoubi, qui Žtait unijambiste et qui, quelle que soit l'horreur - et le terme n'est pas trop fort - de ses crimes, prŽsentait tous les signes d'un dŽsŽquilibre et qu'on a emportŽ sur l'Žchafaud aprs lui avoir enlevŽ sa prothse.

Loin de moi l'idŽe d'en appeler ˆ une pitiŽ posthume : ce n'est ni le lieu ni le moment, mais ayez simplement prŽsent ˆ votre esprit que l'on s'interroge encore ˆ propos de l'innocence du premier, que le deuxime Žtait un dŽbile et le troisime un unijambiste.

Peut-on prŽtendre que si ces trois hommes se trouvaient dans les prisons franaises la sŽcuritŽ de nos concitoyens se trouverait de quelque faon compromise ?

M. Albert Brochard.<.B> Ce n'est pas croyable ! Nous ne sommes pas au prŽtoire !

M. le garde des sceaux. C'est cela la vŽritŽ et la mesure exacte de la peine de mort. C'est simplement cela. (Applaudissements prolongŽs sur les bancs des socialistes et les communistes.)

M. Jean Brocard. Je quitte les assises

M. le prŽsident. C'est votre droit !

M. Albert Brochard. Vous tes garde des sceaux et non avocat !

M. le garde des sceaux. Et cette rŽalitŽ...

M. Roger Corrze. Votre rŽalitŽ !

M. le garde des sceaux. ... semble faire fuir

La question ne se pose pas, et nous le savons tous, en termes de dissuasion ou de technique rŽpressive, mais en termes politiques et surtout de choix moral.

Que la peine de mort ait une signification politique, il suffirait de regarder la carte du monde pour le constater. Je regrette qu'on ne puisse pas prŽsenter une telle carte ˆ l'AssemblŽe comme cela fut fait au Parlement europŽen. On y verrait les pays abolitionnistes et les autres, les pays de libertŽ et les autres.

M. Charles Miossec. Quel amalgame !

M. le garde des sceaux. Les choses sont claires. Dans la majoritŽ Žcrasante des dŽmocraties occidentales, en Europe particulirement, dans tous les pays o la libertŽ est inscrite dans les institutions et respectŽe dans la pratique, la peine de mort a disparu.

M. Claude Marcus. Pas aux Etats-Unis.

M. le garde des sceaux. J'ai dit en Europe occidentale, mais il est significatif que vous ajoutiez les Etats-Unis. Le calque est presque complet. Dans les pays de libertŽ, la loi commune est l'abolition, c'est la peine de mort qui est l'exception.

M. Roger Corrze. Pas dans les pays socialistes.

M. le garde des sceaux. Je ne vous le fais pas dire.

Partout, dans le monde, et sans aucune exception, o triomphent la dictature et le mŽpris des droits de l'homme, partout vous y trouvez inscrite, en caractres sanglants, la peine de mort. (Applaudissements sur les bancs des socialistes.)

M. Roger Corrze. Les communistes en ont pris acte !

M. GŽrard Chasseguet. Les communistes ont apprŽciŽ.

M. le garde des sceaux. Voici la premire Žvidence : dans les pays de libertŽ l'abolition est presque partout la rgle ; dans les pays o rgne la dictature, la peine de mort est partout pratiquŽe.

Ce partage du monde ne rŽsulte pas d'une simple co•ncidence, mais exprime une corrŽlation. La vraie signification politique de la peine de mort, c'est bien qu'elle procde de l'idŽe que l'Etat a le droit de disposer du citoyen jusqu'ˆ lui retirer la vie. C'est par lˆ que la peine de mort s'inscrit dans les systmes totalitaires.

C'est par lˆ mme que vous retrouvez, dans la rŽalitŽ judiciaire, et jusque dans celle qu'Žvoquait Raymond Forni, la vraie signification de la peine de mort. Dans la rŽalitŽ judiciaire, qu'est-ce que la peine de mort? Ce sont douze hommes et femmes, deux jours d'audience, l'impossibilitŽ d'aller jusqu'au fond des choses et le droit, ou le devoir, terrible, de trancher, en quelques quarts d'heure, parfois quelques minutes, le problme si difficile de la culpabilitŽ, et, au-delˆ, de dŽcider de la vie ou de la mort d'un autre tre. Douze personnes, dans une dŽmocratie, qui ont le droit de dire : celui-lˆ doit vivre, celui-lˆ doit mourir ! Je le dis : cette conception de la justice ne peut tre celle des pays de libertŽ, prŽcisŽment pour ce qu'elle comporte de signification totalitaire.

Quant au droit de gr‰ce, il convient, comme Raymond Forni l'a rappelŽ, de s'interroger ˆ son sujet. Lorsque le roi reprŽsentait Dieu sur la terre, qu'il Žtait oint par la volontŽ divine, le droit de gr‰ce avait un fondement lŽgitime. Dans une civilisation, dans une sociŽtŽ dont les institutions sont imprŽgnŽes par la foi religieuse, on comprend aisŽment que le reprŽsentant de Dieu ait pu disposer du droit de vie ou de mort. Mais dans une rŽpublique, dans une dŽmocratie, quels que soient ses mŽrites, quelle que soit sa conscience, aucun homme, aucun pouvoir ne saurait disposer d'un tel droit sur quiconque en temps de paix.

M. Jean Falala. Sauf les assassins !

M. le garde des sceaux. Je sais qu'aujourd'hui et c'est lˆ un problme majeur - certains voient dans la peine de mort une sorte de recours ultime, une forme de dŽfense extrme de la dŽmocratie contre la menace grave que constitue le terrorisme. La guillotine, pensent-ils, protŽgerait Žventuellement la dŽmocratie au lieu de la dŽshonorer.

Cet argument procde d'une mŽconnaissance complte de la rŽalitŽ. En effet l'Histoire montre que s'il est un type de crime qui n'a jamais reculŽ devant la menace de mort, c'est le crime politique. Et, plus spŽcifiquement, s'il est un type de femme ou d'homme que la menace de la mort ne saurait faire reculer, c'est bien le terroriste. D'abord, parce qu'il l'affronte au cours de l'action violente ; ensuite parce qu'au fond de lui, il Žprouve cette trouble fascination de la violence et de la mort, celle qu'on donne, mais aussi celle qu'on reoit. Le terrorisme qui, pour moi, est un crime majeur contre la dŽmocratie, et qui, s'il devait se lever dans ce pays, serait rŽprimŽ et poursuivi avec toute la fermetŽ requise, a pour cri de ralliement, quelle que soit l'idŽologie qui l'anime. le terrible cri des fascistes de la guerre d'Espagne : "Viva la muerte !", "Vive la mort !" Alors, croire qu'on l'arrtera avec la mort, c'est illusion.

Allons plus loin. Si, dans les dŽmocraties voisines, pourtant en proie au terrorisme, on se refuse ˆ rŽtablir la peine de mort, c'est, bien sžr, par exigence morale, mais aussi par raison politique. Vous savez en effet, qu'aux yeux de certains et surtout des jeunes, l'exŽcution du terroriste le transcende, le dŽpouille de ce qu'a ŽtŽ la rŽalitŽ criminelle de ses actions, en fait une sorte de hŽros qui aurait ŽtŽ jusqu'au bout de sa course, qui, s'Žtant engagŽ au service d'une cause, aussi odieuse soit-elle, l'aurait servie jusqu'ˆ la mort. Ds lors, appara”t le risque considŽrable, que prŽcisŽment les hommes d'Etat des dŽmocraties amies ont pesŽ, de voir se lever dans l'ombre, pour un terroriste exŽcutŽ, vingt jeunes gens ŽgarŽs. Ainsi, loin de le combattre, la peine de mort nourrirait le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs des socialistes et sur quelques bancs des communistes.)

A cette considŽration de fait, il faut ajouter une donnŽe morale : utiliser contre les terroristes la peine de mort, c'est, pour une dŽmocratie, faire siennes les valeurs de ces derniers. Quand, aprs l'avoir arrtŽ, aprs lui avoir extorquŽ des correspondances terribles, les terroristes, au terme d'une parodie dŽgradante de justice, exŽcutent celui qu'ils ont enlevŽ, non seulement ils commettent un crime odieux, mais ils tendent ˆ la dŽmocratie le pige le plus insidieux, celui d'une violence meurtrire qui, en forant cette dŽmocratie ˆ recourir ˆ la peine de mort, pourrait leur permettre de lui donner, par une sorte d'inversion des valeurs, le visage sanglant qui est le leur.

Cette tentation, il faut la refuser, sans jamais, pour autant, composer avec cette forme ultime de la violence, intolŽrable dans une dŽmocratie, qu'est le terrorisme.

Mais lorsqu'on a dŽpouillŽ le problme de son aspect passionnel et qu'on veut aller jusqu'au bout de la luciditŽ, on constate que le choix entre le maintien et l'abolition de la peine de mort, c'est, en dŽfinitive, pour une sociŽtŽ et pour chacun d'entre nous, un choix moral.

Je ne ferai pas usage de l'argument d'autoritŽ, car ce serait malvenu au Parlement, et trop facile dans cette enceinte. Mais on ne peut pas ne pas relever que, dans les dernires annŽes, se sont prononcŽs hautement contre la peine de mort, l'Žglise catholique de France, le conseil de l'Žglise rŽformŽe et le rabbinat. Comment ne pas souligner que toutes les grandes associations internationales qui militent de par le monde pour la dŽfense des libertŽs et des droits de l'homme - Amnesty international, l'Association internationale des droits de l'homme, la Ligue des droits de l'homme - ont fait campagne pour que vienne l'abolition de la peine de mort.

M. Albert Brochard. Sauf les familles des victimes (Murmures prolongŽs sur les bancs des socialistes.)

M. le garde des sceaux. Cette conjonction de tant de consciences religieuses ou la•ques, hommes de Dieu et hommes de libertŽs, ˆ une Žpoque o l'on parle sans cesse de crise des valeurs morales, est significative.

M. Pierre-Charles Krieg. Et 33 p. 100 des Franais!

M. le garde des sceaux. Pour les partisans de la peine de mort, dont les abolitionnistes et moi-mme avons toujours respectŽ le choix en notant ˆ regret que la rŽciproque n'a pas toujours ŽtŽ vraie, la haine rŽpondant souvent ˆ ce qui n'Žtait que l'expression d'une conviction profonde, celle que je respecterai toujours chez les hommes de libertŽ, pour les partisans de la peine de mort, disais-je, la mort du coupable est une exigence de justice. Pour eux, il est en effet des crimes trop atroces pour que leurs auteurs puissent les expier autrement qu'au prix de leur vie.

La mort et la souffrance des victimes, ce terrible malheur, exigeraient comme contrepartie nŽcessaire, impŽrative, une autre mort et une autre souffrance. A dŽfaut, dŽclarait un ministre de la justice rŽcent, l'angoisse et la passion suscitŽes dans la sociŽtŽ par le crime ne seraient pas apaisŽes. Cela s'appelle, je crois, un sacrifice expiatoire. Et justice, pour les partisans de la peine de mort, ne serait pas faite si ˆ la mort de la victime ne rŽpondait pas, en Žcho, la mort du coupable.

Soyons clairs. Cela signifie simplement que la loi du talion demeurerait, ˆ travers les millŽnaires, la loi nŽcessaire, unique de la justice humaine.

Du malheur et de la souffrance des victimes, j'ai, beaucoup plus que ceux qui s'en rŽclament, souvent mesurŽ dans ma vie l'Žtendue. Que le crime soit le point de rencontre, le lieu gŽomŽtrique du malheur humain, je le sais mieux que personne. Malheur de la victime elle-mme et, au-delˆ, malheur de ses parents et de ses proches. Malheur aussi des parents du criminel. Malheur enfin, bien souvent, de l'assassin. Oui, le crime est malheur, et il n'y a pas un homme, pas une femme de coeur, de raison, de responsabilitŽ, qui ne souhaite d'abord le combattre.

Mais ressentir, au profond de soi-mme, le malheur et la douleur des victimes, mais lutter de toutes les manires pour que la violence et le crime reculent dans notre sociŽtŽ, cette sensibilitŽ et ce combat ne sauraient impliquer la nŽcessaire mise ˆ mort du coupable. Que les parents et les proches de la victime souhaitent cette mort, par rŽaction naturelle de l'tre humain blessŽ, je le comprends, je le conois. Mais c'est une rŽaction humaine, naturelle. Or tout le progrs historique de la justice a ŽtŽ de dŽpasser la vengeance privŽe. Et comment la dŽpasser, sinon d'abord en refusant la loi du talion?

La vŽritŽ est que, au plus profond des motivations de l'attachement ˆ la peine de mort, on trouve, inavouŽe le plus souvent, la tentation de l'Žlimination. Ce qui para”t insupportable ˆ beaucoup, c'est moins la vie du criminel emprisonnŽ que la peur qu'il rŽcidive un jour. Et ils pensent que la seule garantie, ˆ cet Žgard, est que le criminel soit mis ˆ mort par prŽcaution.

Ainsi, dans cette conception, la justice tuerait moins par vengeance que par prudence. Au-delˆ de la justice d'expiation, appara”t donc la justice d'Žlimination, derrire la balance, la guillotine. L'assassin doit mourir toute simplement parce que, ainsi, il ne rŽcidivera pas. Et tout para”t si simple, et tout para”t si juste!

Mais quand on accepte ou quand on pr™ne la justice d'Žlimination, au nom de la justice, il faut bien savoir dans quelle voie on s'engage. Pour tre acceptable, mme pour ses partisans, la justice qui tue le criminel doit tuer en connaissance de cause. Notre justice, et c'est son honneur, ne tue pas les dŽments. Mais elle ne sait pas les identifier ˆ coup sžr, et c'est ˆ l'expertise psychiatrique, la plus alŽatoire, la plus incertaine de toutes, que, dans la rŽalitŽ judiciaire, on va s'en remettre. Que le verdict psychiatrique soit favorable ˆ l'assassin, et il sera ŽpargnŽ. La sociŽtŽ acceptera d'assumer le risque qu'il reprŽsente sans que quiconque s'en indigne. Mais que le verdict psychiatrique lui soit dŽfavorable, et il sera exŽcutŽ. Quand on accepte la justice d'Žlimination, il faut que les responsables politiques mesurent dans quelle logique de l'Histoire on s'inscrit.

Je ne parle pas de sociŽtŽs o l'on Žlimine aussi bien les criminels que les dŽments, les opposants politiques que ceux dont on pense qu'ils seraient de nature ˆ "polluer" le corps social. Non, je m'en tiens ˆ la justice des pays qui vivent en dŽmocratie.

Enfoui, terrŽ, au coeur mme de la justice d'Žlimination, veille le racisme secret. Si, en 1972, la Cour suprme des Etats-Unis a penchŽ vers l'abolition, c'est essentiellement parce qu'elle avait constatŽ que 60 p. 100 des condamnŽs ˆ mort Žtaient des noirs, alors qu'ils ne reprŽsentaient que 12 p. 100 de la population. Et pour un homme de justice, quel vertige ! je baisse la voix et je me tourne vers vous tous pour rappeler qu'en France mme, sur trente-six condamnations ˆ mort dŽfinitives prononcŽes depuis 1945, on compte neuf Žtrangers, soit 25 p. 100, alors qu'ils ne reprŽsentent que 8 p. 100 de la population ; parmi eux cinq MaghrŽbins, alors qu'ils ne reprŽsentent que 2 p. 100 de la population. Depuis 1965, parmi les neuf condamnŽs ˆ mort exŽcutŽs, on compte quatre Žtrangers, dont trois MaghrŽbins. Leurs crimes Žtaient-ils plus odieux que les autres ou bien paraissaient-ils plus graves parce que leurs auteurs, ˆ cet instant, faisaient secrtement horreur ? C'est une interrogation, ce n'est qu'une interrogation, mais elle est si pressante et si lancinante que seule l'abolition peut mettre fin ˆ une interrogation qui nous interpelle avec tant de cruautŽ.

Il s'agit bien, en dŽfinitive, dans l'abolition, d'un choix fondamental, d'une certaine conception de l'homme et de la justice. Ceux qui veulent une justice qui tue, ceux-lˆ sont animŽs par une double conviction : qu'il existe des hommes totalement coupables, c'est-ˆ-dire des hommes totalement responsables de leurs actes, et qu'il peut y avoir une justice sžre de son infaillibilitŽ au point de dire que celui-lˆ peut vivre et que celui-lˆ doit mourir.

A cet ‰ge de ma vie, l'une et l'autre affirmations me paraissent Žgalement erronŽes. Aussi terribles, aussi odieux que soient leurs actes, il n'est point d'hommes en cette terre dont la culpabilitŽ soit totale et dont il faille pour toujours dŽsespŽrer totalement. Aussi prudente que soit la justice, aussi mesurŽs et angoissŽs que soient les femmes et les hommes qui jugent, la justice demeure humaine, donc faillible.

Et je ne parle pas seulement de l'erreur judiciaire absolue, quand, aprs une exŽcution, il se rŽvle, comme cela peut encore arriver, que le condamnŽ ˆ mort Žtait innocent et qu'une sociŽtŽ entire - c'est-ˆ-dire nous tous - au nom de laquelle le verdict a ŽtŽ rendu, devient ainsi collectivement coupable puisque sa justice rend possible l'injustice suprme. Je parle aussi de l'incertitude et de la contradiction des dŽcisions rendues qui font que les mmes accusŽs, condamnŽs ˆ mort une premire fois, dont la condamnation est cassŽe pour vice de forme, sont de nouveau jugŽs et, bien qu'il s'agisse des mmes faits, Žchappent, cette fois-ci, ˆ la mort, comme si, en justice, la vie d'un homme se jouait au hasard d'une erreur de plume d'un greffier. Ou bien tels condamnŽs, pour des crimes moindres, seront exŽcutŽs, alors que d'autres. plus coupables, sauveront leur tte ˆ la faveur de la passion de l'audience, du climat ou de l'emportement de tel ou tel.

Cette sorte de loterie judiciaire, quelle que soit la peine qu'on Žprouve ˆ prononcer ce mot quand il y va de la vie d'une femme ou d'un homme, est intolŽrable. Le plus haut magistrat de France, M. Aydalot, au terme d'une longue carrire tout entire consacrŽe ˆ la justice et, pour la plupart de son activitŽ, au parquet, disait qu'ˆ la mesure de sa hasardeuse application, la peine de mort lui Žtait devenue, ˆ lui magistrat, insupportable. Parce qu'aucun homme n'est totalement responsable, parce qu'aucune justice ne peut tre absolument infaillible, la peine de mort est moralement inacceptable. Pour ceux d'entre nous qui croient en Dieu, lui seul a le pouvoir de choisir l'heure de notre mort. Pour tous les abolitionnistes, il est impossible de reconna”tre ˆ la justice des hommes ce pouvoir de mort parce qu'ils savent qu'elle est faillible.

Le choix qui s'offre ˆ vos consciences est donc clair : ou notre sociŽtŽ refuse une justice qui tue et accepte d'assumer, au nom de ses valeurs fondamentales - celles qui l'ont faite grande et respectŽe entre toutes - la vie de ceux qui font horreur, dŽments ou criminels ou les deux ˆ la fois, et c'est le choix de l'abolition ; ou cette sociŽtŽ croit, en dŽpit de l'expŽrience des sicles, faire dispara”tre le crime avec le criminel, et c'est l'Žlimination.

Cette justice d'Žlimination, cette justice d'angoisse et de mort, dŽcidŽe avec sa marge de hasard, nous la refusons. Nous la refusons parce qu'elle est pour nous l'anti-justice, parce qu'elle est la passion et la peur triomphant de la raison et de l'humanitŽ.

J'en ai fini avec l'essentiel, avec l'esprit et l'inspiration de cette grande loi. Raymond Forni, tout ˆ l'heure, en a dŽgagŽ les lignes directrices. Elles sont simples et prŽcises.

Parce que l'abolition est un choix moral, il faut se prononcer en toute clartŽ. Le Gouvernement vous demande donc de voter l'abolition de la peine de mort sans l'assortir d'aucune restriction ni d'aucune rŽserve. Sans doute, des amendements seront dŽposŽs tendant ˆ limiter le champ de l'abolition et ˆ en exclure diverses catŽgories de crimes. Je comprends l'inspiration de ces amendements, mais le Gouvernement vous demandera de les rejeter.

D'abord parce que la formule "abolir hors les crimes odieux" ne recouvre en rŽalitŽ qu'une dŽclaration en faveur de la peine de mort. Dans la rŽalitŽ judiciaire, personne n'encourt la peine de mort hors des crimes odieux. Mieux vaut donc, dans ce cas-lˆ, Žviter les commoditŽs de style et se dŽclarer partisan de la peine de mort. (Applaudissements sur les bancs des socialistes.)

Quant aux propositions d'exclusion de l'abolition au regard de la qualitŽ des victimes, notamment au regard de leur faiblesse particulire ou des risques plus grands qu'elles encourent, le Gouvernement vous demandera Žgalement de les refuser, en dŽpit de la gŽnŽrositŽ qui les inspire.

Ces exclusions mŽconnaissent une Žvidence : toutes, je dis bien toutes, les victimes sont pitoyables et toutes appellent la mme compassion. Sans doute, en chacun de nous, la mort de l'enfant ou du vieillard suscite plus aisŽment l'Žmotion que la mort d'une femme de trente ans ou d'un homme mžr chargŽ de responsabilitŽs, mais, dans la rŽalitŽ humaine, elle n'en est pas moins douloureuse, et toute discrimination ˆ cet Žgard serait porteuse d'injustice !

S'agissant des policiers ou du personnel pŽnitentiaire, dont les organisations reprŽsentatives requirent le maintien de la peine de mort ˆ l'encontre de ceux qui attenteraient ˆ la vie de leurs membres, le Gouvernement comprend parfaitement les prŽoccupations qui les animent, mais il demandera que ces amendements en soient rejetŽs.

La sŽcuritŽ des personnels de police et du personnel pŽnitentiaire doit tre assurŽe. Toutes les mesures nŽcessaires pour assurer leur protection doivent tre prises, Mais, dans la France de la fin du XXXme sicle, on ne confie pas ˆ la guillotine le soin d'assurer la sŽcuritŽ des policiers et des surveillants. Et quant ˆ la sanction du crime qui les atteindrait, aussi lŽgitime quelle soit, cette peine ne peut tre, dans nos lois, plus grave que celle qui frapperait les auteurs de crimes commis ˆ l'encontre d'autres victimes. Soyons clairs : il ne peut exister dans la justice franaise de privilge pŽnal au profit de quelque profession ou corps que ce soit. Je suis sžr que les personnels de police et les personnels pŽnitentiaires le comprendront. Qu'ils sachent que nous nous montrerons attentifs ˆ leur sŽcuritŽ sans jamais pour autant en faire un corps ˆ part dans la RŽpublique.

Dans le mme dessein de clartŽ, le projet n'offre aucune disposition concernant une quelconque peine de remplacement.

Pour des raisons morales d'abord : la peine de mort est un supplice, et l'on ne remplace pas un supplice par un autre.

Pour des raisons de politique et de clartŽ lŽgislatives aussi : par peine de remplacement, l'on vise communŽment une pŽriode de sžretŽ, c'est-ˆ-dire un dŽlai inscrit dans la loi pendant lequel le condamnŽ n'est pas susceptible de bŽnŽficier d'une mesure de libŽration conditionnelle ou d'une quelconque suspension de sa peine. Une telle peine existe dŽjˆ dans notre droit et sa durŽe petit atteindre dix-huit annŽes.

Si je demande ˆ l'AssemblŽe de ne pas ouvrir, ˆ cet Žgard, un dŽbat tendant ˆ modifier cette mesure de sžretŽ, c'est parce que, dans un dŽlai de deux ans - dŽlai relativement court au regard du processus d'Ždification de la loi pŽnale - le Gouvernement aura l'honneur de lui soumettre le projet d'un nouveau code pŽnal, un code pŽnal adaptŽ ˆ la sociŽtŽ franaise de la fin du XXme sicle et, je l'espre, de l'horizon du XXIme sicle. A cette occasion, il conviendra que soit dŽfini, Žtabli, pesŽ par vous ce que doit tre le systme des peines pour la sociŽtŽ franaise d'aujourd'hui et de demain. C'est pourquoi je vous demande de ne pas mler au dŽbat de principe sur l'abolition une discussion sur la peine de remplacement, ou plut™t sur la mesure de sžretŽ, parce que cette discussion serait ˆ la fois inopportune et inutile.

Inopportune parce que, pour tre harmonieux, le systme des peines doit tre pensŽ et dŽfini en son entier, et non ˆ la faveur d'un dŽbat qui, par son objet mme, se rŽvle nŽcessairement passionnŽ et aboutirait ˆ des solutions partielles.

Discussion inutile parce que la mesure de sžretŽ existante frappera ˆ l'Žvidence tous ceux qui vont tre condamnŽs ˆ la peine de rŽclusion criminelle ˆ perpŽtuitŽ dans les deux ou trois annŽes au plus qui s'Žcouleront avant que vous n'ayez, mesdames, messieurs les dŽputŽs, dŽfini notre systme de peines et, que, par consŽquent, la question de leur libŽration ne saurait en aucune faon se poser. Les lŽgislateurs que vous tes savent bien que la dŽfinition inscrite dans le nouveau code s'appliquera a eux, soit par l'effet immŽdiat de la loi pŽnale plus douce, soit - si elle est plus sŽvre - parce qu'on ne saurait faire de discrimination et que le rŽgime de libŽration conditionnelle sera le mme pour tous les condamnŽs ˆ perpŽtuitŽ. Par consŽquent, n'ouvrez pas maintenant cette discussion.

Pour les mmes raisons de clartŽ et de simplicitŽ, nous n'avons pas insŽrŽ dans le projet les dispositions relatives au temps de guerre, le Gouvernement sait bien que, quand le mŽpris de la vie, la violence mortelle deviennent la loi commune, quand certaines valeurs essentielles du temps de paix sont remplacŽes par d'autres qui expriment la primautŽ de la dŽfense de la Patrie, alors le fondement mme de l'abolition s'efface de la conscience collective pour la durŽe du conflit, et, bien entendu, l'abolition est alors entre parenthses.

Il est apparu au Gouvernement qu'il Žtait malvenu, au moment o vous dŽcidiez enfin de l'abolition dans la France en paix qui est heureusement la n™tre, de dŽbattre du domaine Žventuel de la peine de mort en temps de guerre, une guerre que rien heureusement n'annonce. Ce sera au Gouvernement et au lŽgislateur, du temps de l'Žpreuve - si elle doit survenir - qu'il appartiendra d'y pourvoir, en mme temps qu'aux nombreuses dispositions particulires qu'appelle une lŽgislation de guerre.

Mais arrter les modalitŽs d'une lŽgislation de guerre ˆ cet instant o nous abolissons la peine de mort n'aurait point de sens. Ce serait hors de propos au moment o, aprs cent quatre vingt-dix ans de dŽbat, vous allez enfin prononcer et dŽcider de l'abolition.

J'en ai terminŽ.

Les propos que j'ai tenus, les raisons que j'ai avancŽes, votre c?ur, votre conscience vous les avaient dŽjˆ dictŽs aussi bien qu'ˆ moi. Je tenais simplement, ˆ ce moment essentiel de notre histoire judiciaire, ˆ les rappeler, au nom du Gouvernement.

Je sais que dans nos lois, tout dŽpend de votre volontŽ et de votre conscience. Je sais que beaucoup d'entre vous, dans la majoritŽ comme dans l'opposition, ont luttŽ pour l'abolition Je sais que le Parlement aurait pu aisŽment, de sa seule initiative, libŽrer nos lois de la peine de mort. Vous avez acceptŽ que ce soit sur un projet du Gouvernement que soit soumise ˆ vos votes l'abolition, associant ainsi le Gouvernement et moi-mme ˆ cette grande mesure. Laissez-moi vous on remercier.

Demain, gr‰ce ˆ vous la justice franaise ne sera plus une justice qui tue. Demain, gr‰ce ˆ vous, il n'y aura plus, pour notre honte commune, d'exŽcutions furtives, ˆ l'aube, sous le dais noir, dans les prisons franaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournŽes.

A cet instant plus qu'ˆ aucun autre, j'ai le sentiment d'assumer mon ministre, au sens ancien, au sens noble, le plus noble qui soit, c'est-ˆ-dire au sens de "service". Demain, vous voterez l'abolition de la peine de mort. LŽgislateur franais, de tout mon c?ur, je vous en remercie.

Posted by O. at janvier 14, 2003 02:04 AM
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