02 juillet 2004
Palestiniens, ambulances, etc...

Lors d'un commentaire sur un précédent post, notre amie Sophie s'est laissé aller à quelques affirmations que j'ai tenu à remettre en contexte...

Par rapport on journaliste, ce que tu omets de dire c'est qu'apres l'attentat contre des Israeliens, bien souvent les arabes tirent sur les secours.......et ne me dit pas que c'est faux !! N'oublie pas ce que font les arabes avec les cadavres de soldats Israeliens et leurs prisonniers.
Je resitue le débat : je parlais d'un journaliste palestinien, Imad Abu-Zarha pour ne pas le nommer, qui est mort à Jénine, à une quinzaine de mètres de l'hôpital. Il est mort, vidé de son sang. La version de l'incident que rapporte Reporters Sans Frontières ici est légèrement différente, mais la mienne m'a été racontée par des ambulanciers. Cela dit, le fond de l'histoire est que les secours aient été empêchés d'intervenir, ce qui ne me surprend en aucune façon : c'est une pratique quotidienne et systématique de l'armée humaniste dans les territoires occupés : j'y reviendrai.

Je n'ai pas de chiffres récents, mais fin 2000, après quelques mois d'intifada, 122 personnels médicaux ou paramédicaux palestiniens avaient été tués ou blessés. Contre 6 israéliens. C'est 6 Israéliens de trop, tu vas me dire... mais comment tu expliques les 122 Palestiniens ?
Et d'ailleurs, quand un attentat a lieu en plein territoire israélien, je vois mal comment tu vas m'expliquer que des tireurs palestiniens s'en prennent aux sauveteurs.

Par ailleurs tu oublies de dire que les palestiniens utilisent des ambulances pour transporter des terroristes, la croix rouge te le confirmera.
Euh. Non. La Croix Rouge ne confirmera pas. J'ai connaissance à ce jour de *trois* incidents sérieusement documentés impliquant des ambulances palestiniennes. Le premier est tellement évidemment une attrape que je ne le mentionnerai que pour mémoire : une ambulance, se rendant du point A au point B, est fouillée sans encombres à trois reprises par l'armée. A la quatrième reprise, ô miracle, une ceinture d'explosifs apparait. Miracle numéro deux : l'unité qui la trouve contient des réservistes. L'un d'entre eux est -coïncidence- présentateur du JT en période de réserve. Miracle numéro trois : ça tombe bien, il y avait justement une équipe de la chaîne en question de passage dans le coin. Ca a fait de jolies images a la télé israélienne. Le second, ce n'est pas une ambulance de la Croix Rouge, mais de l'ONU, et on pourrait discuter des faits eux-même. Le troisième, récent, c'était une fausse ambulance : les Israéliens ont trouvé l'atelier où elle avait été "fabriquée", à Azzerye, là où j'habitais avant.

Cela dit, il y a probablement une poignée de cas où des ambulances ont été employées dans des rôles qu'elles ne devraient pas avoir, mais pour ce que j'en ai vu, ce sont des violations mineures. Tous les équipages que je connais, et j'en connais pas mal, refusent systématiquement de transporter toute personne dont le rapport au malade ou blessé n'est pas clairement établi.

Et ce pour une raison bien simple : il faudrait se décider à comprendre qu'en moyenne une ambulance ne peut pas circuler plus de 10 kilomètres sans être arrêtée, contrôlée, et la plupart du temps fouillée. Quand je dis fouillée, ça veut dire : tout le monde descend.

Non... d'abord il faut approcher du barrage. Doucement. Un des ambulanciers descend, et souvent se met torse nu, ça va plus vite. Il avance vers le char avec les papiers de tout le monde. Il donne les papiers, et l'équipage du char fait les vérifications par radio. Ensuite, tout le monde descend. Y compris le malade, dans la plupart des cas. On m'a fait débarquer de mon ambulance une femme en travail, un cardiaque en malaise, et un gamin dont le bras pissait le sang. Ensuite, l'ambulance fait demi-tour et présente la partie arrière, ouverte devant le char. Si il n'y a pas d'infanterie sur les lieux, le chef de char indique au conducteur quelle partie de l'ambulance il doit démonter ou sortir, et il observe le résultat à la jumelle.

Si il y a de l'infanterie, ils viennent et sortent tout, le plus souvent ils foutent tout par terre, boue ou pas. Hygiène garantie. On a bien essayé de mettre des portes en plexi aux placards des ambulances, mais ça ne suffit pas : si ce n'est pas par terre, c'est pas bon. Occasionnellement, le personnel est un tant soit peu rudoyé. J'ai été battu deux fois. On a forcé mon visage dans l'embouchure du canon d'un tank. Je te passe les insultes, etc. L'attente va d'une demi heure à plusieurs heures.

C'est la routine du transport en ambulance. Imagine un peu comme il faudrait être futé pour espérer transporter une personne recherchée ou des armes dans ces conditions. Voir cette page d'illustration par l'exemple... J'ai ma propre collection de photos d'ambulances endommagées, si tu veux.

Tu pretends, et là, je ne suis pas d'accord que l'on ne sait pas ce qui se passe. Ni avant, ni apres l'operation Israelienne. C'est faux car en Israel il y a tellement de journalistes que l'on s'est toujours tout.
En Israël, oui. Dans les territoires, non. Des tas de zones sont régulièrement classées "interdites" et la presse en est chassée. Renseigne-toi : l'armée a fait tout un pataquès en 2002 et a décidé de ne plus permettre même aux journalistes israéliens de les accompagner. Et quand par hasard il se trouve des journalistes israéliens, ils ont du mal à se faire entendre. Voir Amira Hass qui prèche dans le désert, et Gideon Levy qui a commencé à comprendre quand il s'est fait tirer dessus par un soldat.Ben oui. Fait pas bon être journaliste dans les territoires. Alors la plupart n'y vont pas.

Et quand ils y vont, ils ne racontent pas tout. J'ai longuement déjà disserté sur cette affaire où une télé américaine a décidé d'aller voir ailleurs quand ils se sont rendus compte que les soldats qu'ils filmaient utilisaient un médecin palestinien comme bouclier humain. Crétin de journaliste... je revois le regard désolé que nous a lancé sa traductrice palestinienne de l'arrière de la Rover quand ils sont partis...

Et avec notre histoire européenne, si il y avait des choses affreuses, nous le ferait clamer haut et fort car nous serions content de trouver un massacre commis par des juifs (pour se déculpabiliser de notre passée).
Des choses affreuses il s'en passe tous les jours. C'est devenu du quotidien. C'est le vrai poison de l'occupation. Qu'une femme ne puisse se rendre à l'hôpital pour accoucher est normal. Que les médecins doivent passer clandestinement par les collines est normal. Que les médicaments, le plasma et les pansements contenus dans les ambulances soit jeté au sol et piétiné pendant les fouilles est normal. Observer mes collègues ambulanciers allongés sur la route pendant des heures, normal. Etre retenu deux heures et demie pour un contrôle d'identité avec un type souffrant de malaise cardiaque dans l'ambulance est normal. Il a fallu le confier à une voiture particulière. Je me suis fait tirer dessus deux fois par des soldats dans le cadre de mes occupations ambulancières. Normal.

Tu as un problème avec ton passé ? Parce que moi non : ce n'est pas MON passé. C'est celui des gens qui étaient là à l'époque. Mon boulot à moi, c'est de mettre la barre un peu plus haut. De sorte que MON passé soit moins moche.

Tu oublies de dire que les palestiniens avaient parler de massacres (5000 morts) et qu'il y a eu beaucoup de bruit pour decouvrir qu'il n'y avait eu finalement que 50 morts dont 80 % de terroristes.
Tout le monde oublie beaucoup de choses. Tu oublies par exemple que les média israéliens aussi avaient paniqué sur ce coup là. Péres lui même, ministre en exercice, a parlé publiquement de centaines de morts. Pas 50 : 53. Et pas 80% de terroristes : 39 non-combattants. Pas de quoi en faire un drame... 5000 sans abris, où est le problème ? Un vieux écrasé par un tank dans sa chaise roulante au milieu de la route, où est le problème ? Une infirmière tuée en tentant de secourir un blessé, où est le problème ? Un chauffeur de bull qui abat une maison alors que les gens lui expliquent qu'il y a un handicapé à l'intérieur, où est le problème ? Des boucliers humains, des otages, où est le problème ? Des familles enfermées à 20 dans une pièce pendant plusieurs jours, où est le problème ?

Elargissons... Naplouse sous couvre-feu pendant plus de quatre mois consécutifs, où est le problème ? Les camions de livraison obligés de transvaser leur chargement à chaque secteur, où est le problème ? Les soldats qui confisquent les clés des taxis, ou leur crèvent les pneus, où est le problème ? Les maisons détruites parce que le cousin a mal tourné, où est le problème ? Les gamins privés d'école au moins trois jours sur cinq, où est le problème ? Un char qui ouvre le feu dans un marché et tue quatre gamins, où est le problème ? La station de pompage de Jénine hors d'accès pour les techniciens et la circulation des camions d'eau interdite, où est le problème ? Le marché aux légumes de Jénine transféré à plusieurs kilomètres de la ville, où est le problème ? La route qui mène au marché de substitution est interdite à la circulation, où est le problème ?

Donc sur ce conflit nous ne partageons pas du tout le meme point de vue. Je considere les juifs comme un peuple d'humaniste et je trouve que confronter a une situation si complexe ils ne font pas comme les autres..........
Par charité, je ne commente pas.
Il faut etre sourd, aveugle et muet pour ne pas le voir, comme il faut etre sourd et aveugle pour voir que ce conflit focalise toute sortes de sentiments.......
Comme tu dis...

Les attentats terroristes palestiniens sont inadmissibles et injustifiables. Mais l'attitude au quotidien de l'armée israélienne dans les territoires ne l'est pas moins. Encore faut-il *savoir* ce qui se passe.

Écrit par O. le 02 juillet 2004 à 14:01