10 novembre 2003
Petit lexique d'un conflit : L comme loin.

On arrive sans s'en rendre compte au milieu du parcours... voici venu le temps du L. L, comme lundi, comme Likud, comme Lieberman (non, tout de même...) comme légalité, comme... on peut chercher loin... L comme lexique ?

Ah oui, tiens. Loin. Aujourd'hui, L, comme loin.

Inspirez...


Rien n'est plus subjectif dans le désastre israélo-palestinien que la notion de distance. Le pays tient pratiquement sur un timbre poste de collection, et pourtant le bout du monde peut être littéralement au coin de la rue.

Pour un Israélien de Tel Aviv, Ramallah (pourtant éloignée de quelques dizaines de kilomètres) est loin. Pas seulement loin : c'est terra incognita. C'est au delà de l'envisageable, au delà de l'horizon de la pensée, et de l'horizon tout court. Néanmoins, un israélien qui voudrait se rendre en voiture de Tel Aviv à Ramallah (ou disons la colonie la plus proche) pourrait le faire en une grosse heure. Mais au delà de cette heure de voiture, il y a un monde dont il ne sait grosso-modo rien. Déjà, il n'a pas le droit d'y aller.

Pire : il ne veut pas y aller. Il lui est plus facile d'envisager aller passer ses vacances en Colombie que de prendre sa voiture pour aller voir de près ces fameux territoires dont on lui parle.

Pour le colon de Beit El, qui voit littéralement passer sous ses fenêtres à pied les habitants des voisinages de Ramallah quand ils tentent d'aller en ville, Ramallah est un univers totalement étranger et inimaginable. A moins qu'il soit soldat, auquel cas il a tout de même une idée d'à quoi ça ressemble.

Paradoxalement, pour un Palestinien habitant la banlieue de Jérusalem, Ramallah c'est encore plus loin, malgré la toute petite dizaine de kilomètres. Si l'on vient d'Abu Dis, Azzerieh ou même Jéricho (Riha), on a toutes les chances d'être contrôlé une ou deux fois sur la route, et puis ensuite il faut se taper, à pied, Kalandia, le check-point. Puis reprendre un taxi. Si c'est ouvert, bien sûr. Ou bien on fait le tour par les routes détournées et ça peut prendre des heures, sans garantie d'arriver, naturellement.

Inversement, pour un habitant juif de Jérusalem, la plage, c'est à une heure de voiture, ou de bus. Alors que pour un habitant de Jérusalem Est, de l'autre côté de la route numéro 1, la plage c'est un truc dont il entend parler toute sa vie mais où il n'ira pas. Il sait comment c'est, ses parents lui en parlent, mais lui, il ne sait pas. Ou alors il va en fraude...

Pour un habitant de Jénine, Zababdeh, 7 kilomètres, maintenant, c'est loin. Qabatiah, 4 kilomètres, c'est très loin aussi. L'hôpital, c'est loin. La famille, c'est loin. La boulangerie, parfois, c'est loin.

Pour la plupart d'entre nous, bien au chaud, calés dans la chaise de bureau, ce n'est pas seulement loin. C'est immatériel, ça reste, ou redevient, des chiffres, des noms, des dates. Pour certains "privilégiés", ce sont des images, des mémoires de poignées de main, de regards, des odeurs, des saveurs des bruits, c'est un peu plus proche... mais encore loin. Pour paraphraser Cabrel, on regarde les photos du voyage, on croit qu'on est malheureux pareil. Mais, impitoyable, de tueries en catastrophes, le goût des nouilles du repas du soir ne change pas.

La Palestine, c'est loin.

Respirez, c'est fini.

Écrit par O. le 10 novembre 2003 à 16:49
Réactions

Eh, Oh!
J'ai pas fini mon week-end.
Faudra Que je rattrappe mon retard, mercredi.

Mis à jour par Marc le 10 novembre 2003 à 17:41

Ben oui, mais bon, au Danemark, il n'y a pas de 11 novembre. Et demain, mon téléphone de bureau, qui ne reçoit que des appels de la Belgique, restera silencieux...

Mis à jour par O. le 10 novembre 2003 à 19:32

comme ceux qui vivent dans un pays en paix et qui sont loin de chez eux. Et ceux qui sont chez eux mais qui sont loin de vivre en paix.

Mis à jour par catherine le 11 novembre 2003 à 11:02