Petit lexique d'un conflit : C comme colonies
La lettre C donnait l'embarras du choix, avec en tête de liste Check-point, Colonies et Clôture. Celle là sera traîtée à M. Comme Mur.
Avant hier, on apprenait la décision du gouvernement israélien de pérenniser 8 des 102 (au jour d'aujourd'hui) "avant-postes" illégaux de Cisjordanie en leur conférant le statut de ville. Il y a quelques heures, on apprenait que des Palestiniens avaient tiré sur un couple de colons près de Jénine.
Colonies, donc.
Inspirez...
Ce n'est malheureusement pas enfoncer une porte ouverte que dire que les colonies israéliennes dans les territoires occupés sont au coeur, si ce n'est le coeur du problème. L'argumentaire de base du supporter de la politique israélienne dans les territoires est que ces colonies sont des établissements destinés à assurer la sécurité d'Israël en lui donnant une "profondeur" de défense, et que le conflit est directement lié à à la volonté farouche des Palestiniens de détruire Israël. Pratique et indémodable.
A peine sorti de la guerre de 1967, où ces territoires ont été conquis sur les Jordaniens et les Égyptiens, une partie de la hiérarchie militaire israélienne, Dayan en tête, était d'avis de se retirer immédiatement sous peine de devoir gérer l'insoluble. Une autre partie, avec parmi eux un certain Ariel Sharon, a prôné de toutes ses forces le début d'une politique d'implantations juives dans les territoires.
Le type de population trouvé dans les colonies varie énormément en fonction de leur localisation. En bordure de la ligne verte, on trouve généralement des colonies qui ne sont que des facilités, habitées par des gens qui y trouvent un logement pas cher, des avantages fiscaux, et des emplois lourdement subventionnés. Plus on s'enfonce dans les territoires, plus on a de chance d'avoir affaire à des colonies "idéologiques", peuplées de gens pour qui leur présence est aussi un message politique. Pour eux, ces territoires sont israéliens et il est hors de question de les rendre.
Les colonies vivent sous perfusion économique de l'état, et sont un poids très lourd pour les autres communautés qui souffrent d'un manque de moyens dû à la disproportion chronique des attributions de crédit, notamment les "villes de développement" dans le Néguev.
Les colons "idéologiques" se comportent souvent en bandits, et ce n'est rien de le dire. En 2002, en plein Jérusalem, le directeur de la Fédération Mondiale Luthérienne (qui gère l'hôpital Augusta Victoria) a trouvé sur un des champs dont la fédération est propriétaire une bande d'hommes en armes qui lui ont signifié qu'ils réquisitionnaient le terrain, et l'ont menacé de leurs armes. La LWF étant ce qu'elle est et son gérant étant citoyen américain, la police est intervenue et les choses sont rentrées dans l'ordre. Mais quand le propriétaire est un paysan palestinien, on imagine sans peine comment l'histoire se termine.
Les mêmes colons ont pour spécialité d'empêcher les récoltes par les paysans palestiniens, au vu et au su de la police. Si les Palestiniens résistent, ou se font accompagner de militants pacifistes israéliens ou internationaux, la police déclare la zone "interdite". Les colons doivent s'en aller, mais les paysans aussi. Une partie non négligeable de la récolte est ainsi perdue tous les ans. L'exaction est souvent accompagnée de violences. Pas plus tard que lundi un groupe de rabins israéliens a été battu par des colons. Ces rabins venaient constater que 300 oliviers avaient été tronçonnés dans la nuit. Il n'est pas rare que des colons viennent dans les villages palestiniens environnants pour semer la terreur. L'année dernière, la population entière d'un village a décidé d'abandonner et de s'exiler, à Yanun. Des militants israéliens et internationaux sont venus et ont "réimplanté" des villageois dans leurs propres maisons.
De façon notoire, les colons d'Hébron rendent la vie totalement impossible pour la majorité palestinienne de la ville. Médecins Sans Frontières a en permanence une équipe de psychologues là-bas, et le rapport qu'ils ont publié est absolument hallucinant.
Dans toutes les discussions entre Palestiniens et Israéliens, d'Oslo à Genève, les Palestiniens demandent le démantèlement des colonies. La rue palestinienne hait les colons, et le point de vue suivant lequel tout colon est un objectif militaire légitime est très répandu, ainsi que dans les milieux "pro-palestiniens". Je ne partage pas cette opinion.
Les colonies, en perpétuelle expansion, même si cette expansion est souvent dénuée de tout besoin démographique, tentent de perpétuer sur le terrain l'implantation israélienne dans les territoires. Elles sont le point de focalisation de la colère palestinienne, elles sont l'obstacle principal et évident à toute tentative de création d'un état palestinien.
Autant je ne trouverais pas anormal ou immoral qu'une présence juive soit perpétuée sur les lieux saints du judaïsme comme la tombe de Joseph, à Naplouse, la tombe de Rachel à Betlehem ou au tombeau des Patriarches à Hébron, sur le modèle des communautés chrétiennes de Jérusalem, autant il est clair pour moi que ces endroits doivent être partie intégrante d'un état palestinien. Un droit de passage et de prière, librement consenti, la présence d'une petite communauté, librement consentie par les Palestiniens, respectueuse des lois palestiniennes, ne me gênerait pas.
Mais ce viol permanent du droit international, des plus élémentaires des droits de l'homme, cette impunité avec la complicité ouverte de l'état qu'est la situation actuelle m'indigne.
Les colonies doivent disparaître. La paix l'exige. Les propositions de l'accord de Genève sur ce point sont intéressantes, comparables sur le principe sinon sur le détail à celles qu'on pouvait trouver dans le rapport Moratinos sur les discussions de Taba.
Respirez, c'est fini.
Écrit par O.
le 29 octobre 2003
à 18:12
L'experience a montre que quand les israeliens se retirent, ils dynamitent ce qu'ils ont construit. L'exemple le plus marquant est Yamit, dams le Sinai, une village immense construit apres 1967. Quand les accords de Camp David ont signifie le retrait israelien du Sinai et que Tsahal a evacue les habitants de Yamit, le village a ete integralement dynamite.
En l'occurence, pour ce qui est des villages dans les territoires palestiniens le probleme, a mon humble avis, risque de ne jamais se poser. Je pense, mais ca n'engage que moi, qu'Israel n'abandonnera pas ces implantations, meme si Netzarim par exemple, a fait l'objet de debats recents a la Knesset. A mon avis, aucun gouvernement israelien ne prendra la decision d'evacuer les 300 000 personnes qui vivent en cisjordanie (ou Judee Samarie) ou a Gaza. Au contraire, les appels d'offre pour de centaines de nouveaux logements y pullulent. Les derniers exemples en date sont a Givat Zeev, Maale Adumim et Psagot, ou plusieurs centaines de familles juives francaises et americaines y sont attendues dans les prochains mois. 16 nouveaux sites ont dores et deja ete definis pour de futurs villages. J'ai garde quelques contacts sur place, et de ce que j'ai compris, loin de decroitre, les villages juifs vont connaitre une forte croissance.