Petit lexique d'un conflit : A comme Antisémitisme
L'alphabet, on choisit pas. Ca commence par A. Pas de sujet "facile" pour l'échauffement, et même l'autre alternative évidente pour "A", à savoir Arafat n'est pas exactement un sujet facile.
Antisémitisme, donc.
Inspirez....
En fait, c'est -pour moi- d'une simplicité... biblique. L'antisémitisme, c'est une des formes du racisme. C'est reprocher à quelqu'un d'être ce qu'il est : juif. Dans d'autres cas, c'est noir, métèque, jaune, "pas comme nous". Juif.
Pourquoi l'antisémitisme est-il un cas à part dans cette galerie peu ragoutante ? Pour trois raisons. D'abord, il a des heures de vol. Ca fait des siècles et même plus, qu'il est là.
Ensuite, il a été poussé au delà de l'extrême et de l'humain par nos amis les nazis. Ils nous ont élevé le cauchemar au rang d'industrie, et ça a -fort justement- frappé les esprits. Tout le monde sait que 6 millions de Juifs ont payé le prix de la folie antisémite nazie, et peu de gens ont en tête que dans le même temps pas loin de vingt millions de Russes ont été tués "manuellement" par les mêmes nazis, parce qu'il étaient aussi anti "races inférieures".
Tout le monde se sent coupable, dans un coin, d'avoir de près ou de loin laissé faire "ça". "Ca", c'est les camps. Les montagnes de chaussures, les dents en or, les lunettes... les abat-jours en peaux humaine... les chambres à gaz.
La troisième raison, c'est que l'antisémitisme est devenu une arme extrêmement efficace utilisée par les "amis" d'Israël pour disqualifier l'adversaire.
Pas question de nier que l'antisémitisme est encore là, même en France. Surtout en France, vous diront même certains. D'autres rétorqueront que ce n'est pas de l'antisémitisme, mais de l'antisionisme. Je reviendrai sur cette histoire d'antisionisme.
Durant les quatorze mois où j'ai écrit sur le net depuis la Palestine, et durant les 12 mois qui ont suivi depuis, où j'écris toujours sur le net, mais depuis le Danemark, j'ai été taxé, publiquement ou en privé, d'antisémitisme une bonne centaine de fois. Dire du mal d'Israël, dire du mal d'un Juif, c'est être antisémite. Etre antisémite, c'est être complice de "ça". Simple, et efficace.
Pour être honnête, à ce jour, j'ai dans un coin sombre deux phrases dans Brest-Jérusalem que je regrette d'avoir écrites. Et encore, c'est pas bien méchant. J'ai glosé sur les gens qui se balladent en été sous quarante degrés avec des toques en fourure, et j'ai plaint leurs gamins qui ont souvent l'air sinistres, tout en noir. Pas bien respectueux ni malin. Mais je dors sans problème : je ne suis pas antisémite.
Comment je le sais ? Facile : je m'en fous que les Juifs soient Juifs. Ce n'est jamais un élément de ma réflexion. En ce qui me concerne, j'ai affaire aux Israéliens, pas aux Juifs. Un Israélien, c'est un habitant de l'état d'Israël tel que défini et reconnu par le droit international.
Qu'importe si les Israéliens se nomment eux-mêmes juifs. Le simple mot "juif" a un tel poids chez nous qu'on ne doit pas l'employer. On essaye de contourner, on parle de sionistes. On pense s'exonérer.
Ce qui est amusant, c'est qu'au fond, je suis sioniste. Je crois profondément que les Juifs ont le droit d'avoir un état et d'y vivre comme bon leur semble. J'irais même jusqu'à dire qu'il me semble assez logique qu'il se trouve là où il est maintenant. Parce que des milliers d'entre eux, au début du siècle, et même avant, ont traversé qui l'Europe, qui le monde, pour répondre à cet appel qui fonde leur culture depuis... euh... longtemps.
Bien avant que le monde "civilisé" ne vienne mettre le chaos dans le coin, des Juifs étaient venus, envers et contre tout, s'installer là. Je suis capable de respecter ça. Ca m'amène à "antisioniste". Pour moi, être antisioniste c'est s'opposer à l'existance d'Israël, parce qu'Israël est basé sur le sionisme. Israël est le sionisme. Quand on dit à un Israélien qu'on est antisioniste, on devient un ennemi. C'est pas forcément malin, mais ça se comprend.
Je n'ai rien contre le sionisme en soi. Mais quand il tente de s'imposer par la force, je ne suis pas d'accord. Quand plus de quatre cent villages disparaissent de la carte, je ne suis pas d'accord. Parce que mon système de valeurs à moi, c'est la loi des hommes. Une poignée de dingues dans chaque camp veut nous imposer la loi de dieu. Revue, corrigée et interprêtée, naturellement. Et je suis contre.
Ca ne fait toujours pas de moi un antisémite. Un antisémite, c'est quelqu'un qui en veut aux Juifs d'être Juifs. Rien de plus. Il est parfaitement légitime et moralement permissible de regarder d'un sale oeil ce que fait Israël. A condition d'avoir le deuxième oeil ouvert, et de ne pas nier les problèmes dans l'autre camp, naturellement. Et ça, ce n'est pas un problème d'antisémitisme, mais d'honnêté.
Un truc trop rare. Dans un camp comme dans l'autre.
Respirez, c'est fini.
Écrit par O.
le 27 octobre 2003
à 16:25
http://perso.wanadoo.fr/renaud.camus/corbeaux/liberation.html
extrait : «Ce qui m'arrive est désagréable, mais je n'ai pas le droit de m'en plaindre, car pour Mme Catherine Tasca dire qu'on n'est pas antisémite, c'est faire « comme bien des propagateurs des thèses racistes ». En somme c'est reconnaître qu'on l'est. Voilà qui rend difficile de défendre son honneur et la vérité. »
Antisémite, l'accusation dont nul ne sort indemme, dont nul ne peut se défendre. L'accusation par excellence, quand on refuse de discuter sur le fond.
Je me promène de temps en temps sur ce site, je le recommande, je fais de la pub, je lis Bagdad-Burning...
Ma grande passion à moi, ce n'est pas la musique, c'est la littérature, et c'est Renaud Camus. C'est d'ailleurs en faisant une recherche sur son nom que j'avais trouvé Brest-Jérusalem (sans que je parvienne à trouver où il était cité (mais je doute qu'il y soit cité à son avantage (quoique... après tout...)).
Toujours est-il que lui défend Israël. (Je schématise, bien sûr. Disons que si vous dessinez deux camps, les pro-Israëliens et les pro-Palestiniens, il est du côté israëlien. Mais bien sûr, c'est toujours beaucoup plus compliqué que cela.)
Et pourtant, il s'est fait traîner dans la boue durant des mois pour avoir osé émettre un jugement sur des journalistes "juifs". Le mot à ne pas prononcer. Vous pouvez dire de quelqu'un qu'il est breton ou protestant, vous ne pouvez pas dire qu'il est juif.
J'ai conscience d'être déplacée, voire provocatrice, en citant Renaud Camus sur ce site. Mais n'y voyez nulle malveillance, j'ai bien cité Brest-Jerusalem sur le sien...