30 septembre 2003
Tout le monde il est beau...

Traduction d'un article de Brian Whitaker dans le Guardian, il y a quelques jours, et qui nous avait été signalé sur l'excellent Baghdad Burning de Riverbend.

On y regarde les petits lutins de la reconstruction irakienne danser en rond en se tenant par la main, de Bagdad à Washington en passant par... Tel-Aviv.

Pour les non initiés, je précise qu'il faut cliquer sur "suite de l'article" pour parvenir à cette traduction, bâclée sur un coin de cuisine en pleine rénovation...

[Entre les oreilles : L'Amour Bolero-Sixun]


Les amis de la famille

Vous voulez tenter votre chance à faire de l'argent rapide dans la reconstruction de l'Irak ? Eh bien, pour commencer, il va falloir investir dans un gilet pare-balles, et ensuite vous faire de bons contacts bien implantés sur le terrain.

C'est là que l'Iraqi International Law Group peut vous aider. De fait, si l'on en juge le baratin sur leur site web, ils sont la seule entreprise qui vaille la peine d'être consultée si vous voulez vous enrichir en Irak.

"A l'IILG, notre travail est de fournir aux entreprises de l'information et les outils dont elles ont besoin pour faire leur entrée dans l'Irak en émergence et y réussir", dit le site. "Nos clients comptent parmi les plus grandes entreprises et institutions de la planète. Ils ont choisi IILG pour leur fournir en temps réel, sur le terrain, des renseignements qu'ils ne peuvent obtenir d'entreprises locales inexpérimentées ou bien d'officiels de la coalitions ou du gouvernement local surchargés."

Quant à sa mission, la société explique : "les avocats et les professionnels d'IILG ont osé montrer la voie pour ce qui est d'amener l'investissement et l'expérience du secteur privé au nouvel Irak."

"Notre travail est de fournir le dernier coup de pouce, la connection entre capital étranger, initiative, technologie, expérience et savoir-faire, et les entrepreneurs en Irak désireux de reconstruire ce vieux pays déchiré par la guerre, de catalyser et déclencher la réalisation de l'énorme potention économique du nouvel Irak."

IILG dit qu'il a été créé dans le sillage de la "récente victoire de la coalition" en Irak et qu'il est fier d'être le premier cabinet de droit international basé dans le pays.

"Beaucoup de cabinets en dehors du pays prétendent conseiller les entreprises pour faire des affaires en Irak", continue-t'il. "La réalité est simple : vous ne pouvez pas fournir de conseils pertinents à propos de l'Irak sans être sur place, jour après jour, travaillant en étroit contact avec les officiels de l'APC [Autorité Provisoire de la Coalition], du nouvellement constitué conseil de gouvernement, et des quelques administrations civiles qui fonctionnent [pétrole, travail, affaires sociales, etc]".

Pour ce qui est de ses contacts dans les affaires en Irak, IILG se vente que son personnel agit comme "conseillers internationaux auprès de la Chambre de Commerce de Bagdad-Irak, avec 300 000 membres dans le pays, et auprès de la Dédération des industriels irakiens, représentant des milliers de propriétaires d'usines locales."

Au milieu de tout ce tapage au sujet de ses lucratives connections, IILS est étonnament modeste au sujet des connections familiales de son fondateur, Salem Chalabi. Le site web ne mentionne pas qu'il est le neveu d'Ahmed Chalabi, qui se trouve justement être le leader du Congrès National Irakien (CNI) appuyé par les Américains, membre du conseil de gouvernement et actuellement président de l'Irak.Oncle Ahmed, ancien banquier en Jordanie, a fui le pays en 1989 avant son arrestation en connection avec un scandale financier à 200 millions de dollars. Il a été plus tard jugé par contumace et condamné par un tribunal jordanien à 22 ans de prison pour 31 chefs de détournement, vol, usage inapproprié de fonds de déposants et spéculation sur les cours des devises.

Mais il n'a jamais regardé en arrière. Malgré qu'ils soit detesté par le Département d'état et la CIA, Ahmed Chalabi a trouvé un support solide au Pentagone et au Congrès américain, qui l'ont généreusement alimenté en fonds pour soutenir son opposition à Saddam Hussein à travers le CNI.

Un des supporters les plus convaincus de Chalabi à Washington est Douglas Feith, un ancien avocat qui est actuellement numéro trois au Pentagone. Le duo a travaillé en étroite collaboration dans la course à la guerre, avec Chalabi fournissant des "renseignements" à propos des armes de destruction massive irakiennes (dont le plus gros s'est trouvé être faux) et se ventant d'avoir un réseau secret en Irak qui pourait être invoqué pour aider à diriger le pays une fois que les USA auraient envahi.

Dans les faits, le réseau ne s'est pas matérialisé, et par conséquence, Feith et Chalabi sont dans une large part responsables de la pagaille actuelle.

Feith, d'un autre côté, a des liens étroits avec le Likud israélien et le premier ministre du pays, Ariel Sharon. Il était l'un des auteurs du fameux document "clean Break" de 1996, qui préconisait un renversement de Saddam Hussein comme premier pas vers une refonte de "l'environnement stratégique" du Proche-Orient.

Feith a aussi argumenté que les colonies juives en territoire palestinien occupé sont légales -en opposition avec l'écrasante majorité des avis juridiques dans le monde- et a récemment mis en avant l'idée de fournir du pétrole irakien à Israël par un pipe-line.

Jusqu'à récemment, le neveu d'Ahmed Chalabi, Salem, était une figure périphérique dans la machination politique aoutour de l'Irak. La seule information à son sujet donnée par le site de l'IILG est qu'il a "par le passé" travaillé pour Clifford Chance, un cabinet d'avocats londonien.

Curieusemment, Clifford Chance a démenti hier qu'il ait quitté le cabinet. Au contraire, ils disent qu'il est toujours employé par eux, mais qu'il est pour le moment en congé sabbatique.

Juste avant la guerre, Salem Chalabi a pris part à une conférence consacrée à l'arrivée de la démocratie en Irak, et a parlé en faveur d'une commission de vérité et de réconciliation sur le modèle sud-africain pour après la guerre.

Plus tard, pendant l'invasion, le Pentagone a cherché à l'engager comme conseiller du ministre de la justice qui travaillé dans le projet avorté de Jay Gardner de prendre en mains l'administration de l'Irak.

La nouveau et dynamique cabinet de Salem est actuellement basé dans les suites 1632-1634 de l'hôtel Palestine à Bagdad. Ceci, d'après le site, est une situation temporaire, "pendant que nous rénovons et restaurons le bâtiment de notre siège dans le district central de Harthiyya".

Bien qu'aucune des "plus grandes entreprises et institutions de la planète" ne se soient indiquées être des clients de Salem Chalabi, IILG semble faire partie d'un réseau construit avec soin pour faire des affaires avec l'Iraq.

De façon intéressante, le site du cabinet n'est pas déclaré au nom de Salem Chalabi, mais au nom de Marc Zell, dont l'adresse indiquée est Suite 716, 1800K street, Washington. C'est l'adresse des bureaux à Washington de Zell, Goldberg &Co, qui prétend être "un des cabinets d'affaires à la croissance la plus forte d'Israël", ainsi que du Groupe Legal International FANDZ, qui lui est associé.

Le nom, inhabituel, de "FANDZ", vient de "F and Z", le Z étant Marc Zell et le F Douglas Feith. [Note du traducteur : ben tiens...]
Les deux hommes étaient associés, jusqu'en 2001, date à laquelle Feith a pris son poste au Pentagone comme sous-secrétaire de la défense, chagé de la politique.

D'après Salem Chalabi, cité dans le National Journal du 13 septembre, Mr Zell est "consultant marketing" d'ILLG et a contacté des cabinets américains de Washington et New York pour voir s'ils avaient des clients intéressés pour faire des affaires en Irak.

Ceci concorde avec une déclaration récente de Zell, Goldberg &Co, disant qu'ils ont monté une "unité spéciale" s'occupant de gérer les sujets et opportunités relatives à la guerre "récemment terminée" en Irak.

Une de ses activités, disait la déclaration, était d'assister les compagnies américaines "dans leurs rapports avec le gouvernement américain pour pour les projets liés à la reconstruction de l'Irak comme consultants ou sous-traitants".

A l'époque, Zell, Goldberg &Co n'a pas fait mention de ses rapports avec Salem Chalabi ou ILLG en Irak, mais a dit qu'ils travaillaient aux USA avec le Federal Market Group. Cette organisation, dont le site web est orné d'un logo "Dieu bénisse l'Amérique", est spécialiste pour aider les entreprises à obtenir des contrats gouvernementaux américains et se vante d'un taux de réussite de 90%. Avec des amis comme ceux-là, on ne serait pas surpris de voir Salem Chalabi quitter l'hôtel Palestine et emménager dans ses locaux fraîchement restaurés à Harthiyya plus tôt que prévu...

Écrit par O. le 30 septembre 2003 à 10:42
Réactions

Toutes ces collusions, même si elles ne sont finalement guère surprenantes, donnent la nausée. Merci pour la traduction O.

Mis à jour par aqb le 30 septembre 2003 à 10:53