12 juillet 2003
Cactus Palestinensis

J'ai acheté un nouveau cactus pour Alessandro et moi. Il fait 30 centimètres (je l'ai mesuré), mais il a l'air impressionnant de grandeur quand il est dans un petit pot. Il a de très longues épines. Elles sont blanches, alors on les voit bien sur le fond vert. Il ressemble aux cactus qu'on voit tellement en Palestine, ce qui est la seule raison pour laquelle je l'ai acheté (ou plutôt 50% de la raison; Alessandro a payé les 50 autres pourcent), puisque nous avons déjà trop de cactus. Nous l'appelons Cactus Palestinensis. Le vrai nom, c'est Opuntia-quelque-chose.

Ce cactus a des qualités merveilleuses. Non seulement il donne de magnifiques fleurs de plusieurs couleurs (enfin c'est ce qu'il fera quand il atteindra deux mètres de haut, d'après l'encyclopédie des plantes), qui se transformeront ensuite en ce délicieux fruit (connu comme figue de cactus ou figues indiennes -puisqu'il n'y en a pas en Inde; tous les cactus viennent des amériques, mais bon il y a quelques siècles quelqu'un s'est imaginé qu'il était là où il n'était pas). Il a aussi un effet étonnant sur les transports en commun.


Voyez-vous, j'ai acheté ce cactus chez Ikea, et nous avons pris le bus pour rentrer; ça prend environ 20 minutes, et nous sommes trop pauvres (et Alessandro trop idéaliste) pour avoir notre propre voiture. Donc chaque fois que nous avons eu besoin de quelque chose à Ikea, nous avons pris le bus. Nous avons trimballé dans le bus des verres, des oreillers, des couettes, des chaises, et même de grosses étagères; les autres passagers nous regardent à chaque fois. Nous leur fournissons un excellent divertissement, à essayer de rester en équilibre debouts dans un bus bondé qui se déplace avec une vitesse irrégulière, s'arrêtant soudainement ou prenant un virage pendant que nous tentons de nous tenir aux étagères, aux chaises, à certaines parties du bus (pour raisons de stabilité), et l'un à l'autre pour la foi, l'espoir et l'amour.

Nous avons aussi transporté des plantes en bus. Plusieurs fois. Les plantes sont un must même pour les pauvres. On ne peut pas vivre sans elles. Donc, j'ai trouvé ça plutôt normal de monter dans le bus avec le Cactus Palestinensis. Il n'était pas emballé, sa forme même et toutes ces grandes épines rendant la chose tout à fait impossible. Tout ce que j'avais à faire était donc de le tenir (ou plus exactement le pot) fermement dans mes mains pendant que je tentais de poinconner mon billet et de m'accrocher au bus (pour raison de stabilité) pendant qu'il commençait à bouger (le bus). Du gâteau : même pas une étagère pour me compliquer la tâche.

Une fois mon ticket poinçonné, j'ai levé les yeux pour chercher une petite place où je pourrais me tenir debout pendant le trajet. Et admirez ! On n'avais pas vu ça depuis Moïse ! Il y avait tout un tas de place pour moi et ma nouvelle acquisition. En fait, pendant que je descendais le couloir du bus, c'était comme l'ouverture des eaux de la Mer Rouge. J'étais Moïse, le cactus était son Bâton, et Dieu était Dieu (je ne sais pas trop où étaient les Égyptiens). Voyez-vous, TOUS les passagers fixaient, comme hypnotisés, le cactus qui oscillait dans mes mains (moi-même oscillant au gré des mouvements du bus). Les rares élus avec un siège étaient visiblement terrifiés à l'idée que je puisse perdre l'équilibre et leur lâcher le cactus dessus. En plus de fixer le cactus, ils me fixaient moi avec des regards plus meutriers qu'effrayés. La masse des passagers debout était effrayée que je pousse le cactus sur eux, dans la très pleine Mer des Passagers. Alors ils me laissaient le passage. J'étais stupéfaite. Je n'avais pas besoin de me frayer un chemin à travers les vagues de bras et de jambes, essayant de ne pas me noyer dans les longs cheveux détachés de quelqu'un ou de ne pas défaillir du parfum d'un autre. Comme les enfants d'Israël, je pouvais marcher au milieu d'eux, les pieds au sec.

A chaque fois qu'un nouveau entrait dans le bus, aux arrêts suivants, il devait se dire que les gens était idiots de s'entasser comme ça alors qu'il y avait tant de place libre autour de ce passager là-bas (moi). Parce qu'ils venaient tous vers moi. Et, l'un après l'autre, alors qu'ils découvraient la biodiversité du bus, et particulièrement le Cactus Palestinensis, ils s'arrêtaient brusquement et s'éloignaient. Ca a duré tout le trajet.

C'était vraiment bien. Les gens ne me dérangent pas. Mais je n'aime pas les bus surpeuplés quand les gens me marchent sur les pieds (surtout les femmes italiennes, vous verriez les chaussures qu'elles mettent, spécialement les talons), me frappent sur la tête (littéralement, bien que par accident), et me bousculent comme si ils ne me voyaient pas.

J'envisage désormais de toujours emmener le Cactus Pelestinensis avec moi, chaque fois que je prendrai le bus. Il pourrait aussi être utile ailleurs, par exemple dans la queue pour l'enregistrement à l'aéroport, dans les magasins, à la poste, etc. J'encourage toute personne lisant ceci à se procurer leur propre cactus et à l'utiliser de façon créative.

traduit de l'anglais par O.

Écrit par loic le 12 juillet 2003 à 22:46
Réactions

Wow! C'est formidable! Excellent! Mon (mes -- nombreux) rire(s) aux éclats de la journée! Encore!

[iTunes is playing "Te Misea (A Scream To Save The Planet)" by Richard Bona]

Mis à jour par gemp le 13 juillet 2003 à 18:00