15 janvier 2003
une histoire de fous...

J'ai retrouvé ça dans un coin de cd... cadeau... empoisonné ?

Je suis sûr qu'on avait l'air malins dans cette voiture. Et quand je dis malins...

Christine avait sa tête des mauvais jours. Enfin des mauvaises nuit. Le menton bien en avant, et l'oeil comme une perceuse. Reste pas devant, c'est du carbure de tungstène. Ce genre de mauvais jours, si vous voyez ce que je veux dire.

- J'arrive pas à croire qu'on est en train de faire ça !
- Écoute, tu sais bien que j'aime bien faire un peu de recherches avant de m'attaquer à un nouveau truc !
- Quoi, t'attaquer à un nouveau truc ! Tu me fais rire, tiens ! Tu peux me ré expliquer clairement ce que je fais dans ta voiture pourrie à deux heures du matin à rouler vers ? vers où, déjà ?
- Paimpont.
- Paimpont, c'est ça ! Tire sur l'ambulance ! C'est pas le moment de faire de l'esprit, je suis un peu agacée, là !
- C'est pas une blague. C'est Paimpont ! Enfin j'espère...
- Ouais, bon. Et on va faire quoi à Paimpont ? Ou plus exactement, je vais faire quoi, moi, à Paimpont, en pleine nuit, sous la flotte, dans cette épave, et sans même un café dans l'estomac ? Qu'est-ce qui m'a fait sortir de sous ma couette chérie, celle à fleurs, la plus douce ? Tu peux me rappeler au juste ?
- ...
- N'essaie pas de laisser passer l'orage !

Là, j'avais déjà à moitié gagné. Elle avait du mal à réprimer un sourire. Telle que je la connais, elle était très fière de sa jolie colère, là. Mais en vrai elle adore ce genre de situations.


-...
- C'est ça, fais le mort. Alors si j'ai bien compris, tu as croisé une nénette sur l'Internet qui t'a demandé, non, même pas, à qui tu as demandé qu'elle te demande d'écrire un truc, n'importe quoi, et comme elle aime bien la forêt de Brocéliande, deux heures après tu débarques chez moi, tu me tire de sous ma couette à fleurs, et tu me fourres dans ta chignole direction machin ?
- Paimpont
- Paimpont, voilà. C'est bien ça ? J'ai bien compris ? Et pour faire quoi au juste ? Mmmh ? Des recherches ?
- Arrête. Tu vas adorer cette forêt !
- T'as intérêt ! J'attendais quelqu'un !
- Ah oui ? Qui ça ?
- Ça ne te regarde pas !
- Ben pourquoi tu m'en parles alors ?
- Paimpont ! Voilà tout ce qui m'intéresse pour le moment. Quel est le rapport avec Brocéliande, d'abord ?
- Deux fois rien. C'est juste en plein milieu ?
- Arrête. Il paraît que Brocéliande recouvrait toute la Bretagne, pas juste Paimpont !
- Vivi. C'est pour ça qu'après on va à Huelgoat !
- QUOI ???
- Dis, au point où on en est, tu ne vas pas bouder pour 250 kms de plus ! Si ? Bon, allez. On fait la paix ? Si tu veux d'ici à ce qu'on arrive, je te raconte déjà tout ce que je sais sur Brocéliande. D'acc ?
- T'as intérêt à être passionnant, je peux te dire !!

Bon ... il était une fois ...

Pour faire mentir les mauvaises langues, Bretagne ou pas Bretagne, il ne pleuvait pas quand nous sommes arrivés à Paimpont. Je ne sais pas pour vous, mais moi je ne suis pas très hôtels. La tête de Christine quand elle m'a vu sortir du coffre, en pleine cambrousse - à l'orée du bois, littéralement - ma tente et deux sacs de couchage valait le déplacement. J'avoue avoir essuyé quelques commentaires acides, à base de confort et de couette moelleuse.

Après négociations, nous avons décidé de nous enfoncer un peu dans la forêt pour planter la tente. Et pour ce qui est de s'enfoncer ... je crois que j'y suis allé un peu fort. Très franchement, au bout de cinq minutes je n'avais plus la moindre idée d'où pouvaient bien se trouver la route, la voiture et, en règle générale, quoi que ce soit qui ne soit pas la forêt.

On dit des tas de choses sur les bruits qu'on entend dans les forêts quand il fait noir. Elles sont toutes vraies. D'abord, la pleine lune ne sert à rien quand il y a des nuages devant. Rétrospectivement, je suis persuadé que ces nuages n'étaient pas là avant que nous ne mettions le pied dans la forêt. Déjà, sur le moment, j'avais mes doutes, que je me suis bien gardé d'exprimer à voix haute, n'ayant aucune envie d'assister à un nouvel exposé sur les mérites comparés d'une nuit passée dans une couette douillette (une obsession. !) fût-elle à fleurs et d'une nuit passée à la belle nuage. Comme quoi elle aussi, elle avait vu les nuages, soit dit en passant.

Il est parfaitement exact de dire que la nuit tous les chats sont gris. J'ai appris aussi cette nuit là que ça s'applique également à tout un tas de quadrupèdes ; les gros-teigneux-qui-grognent (à la réflexion, probablement des sangliers), les-moins-gros-qui-rasent-les-arbres-mais-gros-quand-même (encore un sanglier, je dirais, un attardé ...) et les saletés-de-blaireaux-de-bestioles-qui-font-écrouler-la-tente (vraisemblablement un blaireau, justement).

- Eh !
- Mmmmh ? Quoi encore ? ?
- Chhhhhhht !
- Quoiiiii ?
- T'entends pas ?
- Nan. C'est encore un sanglier. Dors.
- C'est pas un sanglier. J'te dis que c'est pas un sanglier !
- Comment tu sais ?
- Un sanglier ça fait pas de la lumière, et ça chante pas !

Elle avait l'air tendue, là, Christine. Son chuchotement était aussi assuré qu'une lame de scie mal affûtée. Mais, allez savoir pourquoi, sur ce coup là elle a eu immédiatement ma pleine et entière attention ; nous ne somme pas toujours d'accord, mais il est au moins un point sur lequel je partage totalement son avis : un sanglier, ça ne chante pas.

Et, indiscutablement, quoi que ce soit qui était dehors, ça chantait. Un chant sinistre. Et pas dans une langue que je connaissais, ce qui ne signifiait pas grand-chose pour moi, vu que je n'en parle qu'une ...

De plus, il y avait indubitablement de la lumière à une trentaine de mètres de la tente. Comme quand nous étions mômes et que les parents nous laissaient camper à part, nous avons (douuuuuucement) ouvert la fermeture éclair du bas de la porte de la tente pour passer la tête.

Douze. C'est la seule chose sur laquelle nous étions d'accord le lendemain matin. Il y avait douze lumières, et vaguement en cercle. Pour le reste, là où j'ai prétendu reconnaître des chants scouts, Christine jurait avoir entendu des incantations rituelles.

Cela dit, parmi les choses que nous avons en commun, il y a une prudence à toute épreuve. Nous avons courageusement refermé la tente et prétendu qu'il ne se passait rien dehors.

Et c'est aussi cette nuit là que j'ai compris la tendance qu'ont les paysans à clouer des chouettes sur les portes de granges. Il suffit de passer une nuit en pleine forêt. On se réveille avec dans un coin de la tête comme une envie de revanche et on fouille ses poches machinalement pour voir si on n'y aurait pas laissé un mau et quelques clous. Rouillés. Même tordus.

Je n'ai jamais été un vrai lève-tôt, et j'ai d'ordinaire le réveil assez difficile. Je veux dire : le réveil a une vie un peu difficile avec moi. Il me faut un réveil persévérant.

Ce matin là, je suis passé d'un sommeil profond à la station debout en un peu moins de 3 secondes. Enfin je serais passé à la station debout si je ne m'étais pas violemment cogné sur la faîtière de la tente. Du sommeil profond à la station « à genoux », donc, une main pour me frotter le crâne, et l'autre dans la poche. Pour les clous. On devrait toujours avoir quelques clous dans un fond de poche.
Christine était lancée à plein débit. Elle était à l'extérieur de la tente. Je ne savais pas ce qui l'agitait à ce point, mais elle avait une drôle de voix étranglée.

- Ho ! Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Viens voir, viens voir !!!
- Quoi ! Quelle heure il est d'abord ?
- Viiiiiite !!

Grommelant, je suis sorti à quatre pattes de la tente pour voir ce qui pouvait bien se passer dans cette forêt qui puisse mettre Christine dans un état pareil.

Je me targue d'être un garçon flegmatique. Aussi ai-je tranquillement pris le temps de me relever. J'ai tout de même eu beaucoup de mal à empêcher mes yeux de sortir de leurs orbites, et je me suis détourné pour que Christine ne me voie pas me pincer sauvagement.
Puis, de ma voix la plus naturelle, je constatai :

-Tiens. Quelqu'un a enlevé les arbres.
- Quelqu'un a enlevé les arbres !!??!! C'est tout ce que tu trouves à dire ? On se couche en pleine forêt, on se fait à moitié piétiner par des bêtes, on voit des dingues se balader la nuit avec des torches, danser en rond au pied des arbres, on se réveille en pleine brousse avec que du rocher à l'horizon, et tu demandes qui a enlevé les arbres ? je crois que je vais t'arracher les yeux !
- Il y a sûrement une expl...
- Les yeux et la langue, que je vais t'arracher. Vas-y : explique-moi où elle est, ta forêt. Et avant ça, avant même de m'expliquer - cette bagatelle, on est où ? hein ? OU ???
Bon, Christine, calme-...
- Non, je ne me calme pas ! Je veux la voiture, je veux les arbres ! Je veux ma maison, ma chambre, et ma couette !

Gagner du temps. Il fallait que je reprenne mes esprits avant qu'elle finisse de perdre les siens. Comment est-ce que j'étais sensé admettre ce que j'avais sous les yeux ? Nous étions au bord d'un plateau rocheux. A perte de vue, de la lande. Au loin, derrière, un grand plateau, et dans un creux, un lac. Le lac de?
- Brennilis !
- Quoi, Brennilis ?
- C'est le lac de Brennilis !

J'étais très fier de moi, là.
- On est dans les monts d'Arrée ! Et regarde, là, au Nord, il y a Morlaix. A l'Ouest, au fond, il y a Brest, au sud-ouest, Quimper. Et si tu regardes bien, là, au bord du lac il y a...
- ... oui ?
- Non mais je rêve, ils ne l'ont tout de même pas détruite ?
- Détruite quoi ?
- Ben normalement, là, il y a ? euh ? il y avait une centrale nucléaire. Enfin l'important, c'est qu'on sait où on est. Tout va bien !
- Ben oui tiens. Tout va bien. Et la forêt, les arbres ? Paimpont ? Ta voiture ? Et puis tu te souviens de la nuit dernière ? Les mecs qui chantaient ? C'était par là. Si j'en crois mes yeux, ils dansaient en rond en plein dans le vide ! Moi je dis que ça ne va pas du tout, mais alors pas du tout !

Elle n'avait pas tort, dans un sens. Difficile de prétendre que tout allait bien. Je suis parfois un peu tête en l'air, mais de là à confondre l'Ille-et-Vilaine et le Finistère sur une c, probablement pas. Et j'étais persuadé de nous avoir emmenés à Paimpont, toute disparition d'arbres mise à part. Le dernier panneau de signalisation qu'on avait vu indiquait clairement Paimpont. Mais ça me semblait être il y a des siècles, déjà.

Et puis ... j'étais déjà venu à cet endroit là. Le Roc'h Trevezel. Le point culminant de toute la Bretagne. Seulement la dernière fois il y avait un relais de télé d'une petite trentaine de mètres de haut. Et des routes goudronnées. Et là, rien. Juste de vagues chemins de terre.

Le temps de se calmer un peu, de se mettre d'accord sur le fait qu'il se passait probablement quelque chose de bizarre, et nous avons décidé de ne pas rester là à attendre. Nous avons démonté la tente, et fait l'inventaire de ce que nous avions. Une tente, deux sacs de couchage, un petit sac à dos, deux paquets de chocos BN, un tube de lait concentré, et? deux cs bleues.
Pour moi, le village le plus proche était Sizun. Mais il fallait descendre tout en bas du plateau, et dans l'absolu je préférais marcher en direction de la voiture : vers l'est. De mémoire, vers l'est, le premier endroit devait être Huelgoat. Ou Brasparts, je ne savais plus trop.

Alors nous nous sommes mis en marche. Naturellement, je portais le sac. Par chance, Christine était habillée de façon adaptée, et elle avait une bonne paire de baskets. Elle est aussi très jolie dans des chaussures à talon, mais là, ça ne m'aurait pas arrangé. Je n'ai pas osé lui dire, elle me paraissait encore un peu tendue.
Après environ une demi-heure de marche, elle était en tête. Nous étions sur le chemin. L'allure était bonne, et il ne faisait pas trop chaud. En d'autres circonstances, j'aurais appelé ça une randonnée sympa. Brutalement, Christine s'est arrêtée net, et s'est tournée vers moi, toute pâle.

-Pince moi. Fais quelque chose !
- Écoute, ça ne sert à rien de se prendre la tête. Tu n'y comprends rien, je n'y comprends rien non plus, je ne peux pas t'expliquer. Tout ce qu'on peut faire c'est marcher.
- Mais non ! Regarde à droite ! Et dis-moi que tu ne vois pas une espèce de gnome qui fume la pipe sur un rocher !
- Ben oui. Un farfadet. C'est bien connu. C'est la région des farfadets.

J'avais à peine dit ça que mentalement je me collai une vigoureuse paire de claques. Pas la peine d'en rajouter dans le délire. Comme si il y avait quoi que ce soit sur ce rocher.
Pardon ? Sur ce rocher là ? Ho putain. Il devait mesurer à peine soixante centimètres. Habillé en vert. Avec un chapeau. Et une pipe. Et il nous regardait. Et il a cligné de l'oeil.

C'est ça qui a remis Christine sur les rails.

-Bonjour, vous parlez français ?

la suite un de ces jours, si ça vous intéresse...

Écrit par O. le 15 janvier 2003 à 11:00
Réactions

Mais moi, je veux la suite tout de suite ... c'est pas bien d'appâter les gens comme ça et de les laisser en plan avec cette lancinante question : et après ???
Comme quand on lit un bouquin et que, arrivé à la fin, on se rend compte qu'il y a une suite ... pas encore parue, pas encore traduite, enfin que sais-je, et que l'on ressent une grande frustration ... je veux savoir ce qui se passe après !!!!!!!!!

Olivier, s'il te plaît .........

Mis à jour par Christine Vasseur le 15 janvier 2003 à 14:28

je trouve que cela manque de sexe

Mis à jour par abdala le 12 mars 2003 à 13:06

Va falloir que je me décide à l'écrire, je crains...

Mis à jour par O. le 12 mars 2003 à 14:49