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19 décembre 2002
Le téléphone et
On est entouré de multiples moyens de communication plus sophistiqués les uns que les autres. J'ai, dans ma poche, un appareil à peine plus gros qu'un briquet qui me permettrait d'appeler n'importe où dans le monde -- où il y aurait un téléphone. Et même peut être dans la lune, si j'avais le numéro. Et ces téléphones, dans les maisons, dans les rues, dans les poches maintenant, ont envahi le monde. Le fax, depuis des longtemps, me permet d'envoyer des feuilles de papier instantanément. Je ne parle même plus du courrier "ordinaire" qui ressemble, hormis les recommandés qu'on peut recevoir quelques fois, à un moyen totalement préhistorique de communiquer. Chez moi, mais bientôt partout, il y aura internet avec lequel on peut envoyer et recevoir textes, images, sons, films même, partout où on est susceptible de les recevoir.
Et pourtant. Je garde des choses inutiles. Des cs, des Post-It©, des dos de quelque chose, des serviettes de restaurant, des sous-bocks, des programmes de théâtre, des tickets de cinéma, de métro, des récépissés de c bleue, des étiquettes, de simples bouts de papier de taille, de forme, de textures variées. Ils ont tous en commun quelque chose: ils ont une histoire et, souvent, il y a une inscription dessus.
Ce soir, après avoir tenté de joindre quelques amis par e-mail, après avoir tenté quelques numéros de téléphone sonnant occupé ou renvoyant sur des répondeurs, après avoir tenté quelques bières dans un bar où j'aurais pu rencontrer quelqu'un, j'ai sorti mon livre du moment. Et j'ai, par inadvertance, secoué la feuille de papier pliée en quatre qui me sert de marque-page. C'est juste un mot que ma petite soeur m'avait écrit, je ne sais même plus ce qu'il y a dessus et, manifestement, je m'en suis aussi servi pour autre chose. Parce que, sur la table, je regarde médusé une toute petite séchée, ses pétales rabougris et ridicules. Mais tellement chargée de mémoire que j'en pleurerais.
Photo de moi et de ma soeur prise à l'endroit exact où a été ramassée la petite (le photographe marche probablement dessus), avec un appareil jetable
Texte modifié à 06:35, photo rajoutée vers midi
Écrit par gemp
le 19 décembre 2002
à 02:43
beaucoup aimé ton texte
préfère les pensées aux marguerites séchées
adore tous les petits bouts de papiers
les courriers avec des enveloppes en papier des timbres et le tampon philatélique
suis préhistorique
isa
Je fais choeur avec Isa, nous sommes nombreux à être des dinosaures... rien ne remplacera pour moi l'émotion de trois mots écrits sur un petit bout de papier, ni la nostalgie des gros "pâtés" sur nos cahiers qui nous valaient des remontrances de la maîtresse. La magie de l'écriture, ce qu'elle peut révéler de la personnalité de chacun...
Muriel
J'ai scanné la petite marguerite et le mot... J'espère que ça ne gâche pas tout :)
J'ai toujours eu une excellente mémoire, hypertrophiée, dont j'étais très fier mais qui m'a toujours étonné. Au travail, elle était un excellent moyen de justifier ma place de chef-chef.
Et puis passée la cinquantaine, elle a commencé à me trahir : le mot exact qui ne revient pas (mais il est presaue là, il me tourne autour), le visage sur lequel on ne parvient pas à mettre un nom, la course oubliée ...)
Alors, au bureau, j'ai remplacé ma mémoire par un clou !
Un gros clou. Un clou de charpentier, de 25 cm de long, fiché pointe en l'air sur un joli morceau de bois verni.
Et sur ce clou, je plante les petits papiers qui maintenant me servent de mémoire. Ce sont des bouts de papier faits exprès, découpés, de toutes les couleurs. J'en ai une réserve dans les poches et le tiroir. Quelque chose à ne pas oublier ? Vite un petit papier, et au clou.
Pour le moment, la pile fait environ 15 cm de haut. C'est joli et utile. En fin d'année, je sors tous les petits papiers, et je les mets dans un carton à chaussures ; enfin je trie un peu, façon de les revoir, ce qui me rafraichit ... la mémoire. Et je jette les mauvais souvenirs à la corbeille à petits papiers.
Bientôt, j'aurai aussi un clou à la maison. ou alors un clou portable, pliable, télescopique, je vais inventer ça ce soir.
Si je m'en souviens, car pour le moment ma mémoire ne vaut pas un clou.
Yves, c'est franchement excellent!
Et j'ai essayé, j'essaye toujours, le coup des petits bouts de papier pour me rappeler des choses, des listes de "à faire", des mots à regarder dans le dictionnaire, des trucs à acheter pour quand j'aurai les sous, des gens à inviter à dîner ou juste à appeler au téléphone quand j'aurai 5 minutes, des films à voir, des lieux à visiter, cette marque de thé qui était si bon ce soir-là, sans parler des numéros de téléphone, des adresses e-mail, des titres variés de livres à lire, et ces futures bonnes résolutions qu'il faudrait quand même, j'ai aussi ce post-it avec écrit "VIDE" dessus qui devrait aller quelque part, des poèmes ou des haïkus, des idées d'histoires, tellement de trucs "à faire", et ces petites pensées qui sont si jolies sur le moment, ... mais je ne me rappelle pas où je les mets, ces foutus bouts de papier.
Je vais me trouver un clou.
Et bien daccord, parlons clous !
Vous êtes quelques-uns qui souhaitez adopter un clou. Dabord, prudence, nimporte quel clou ne peut pas devenir un bon clou de mémoire. Cest un destin quil faut choisir ensemble, lui et vous ; et cest encore mieux si le cloutier qui le forgera sen mêle. Les cloutiers sont des gens sensés, des assembleurs, des accomodeurs, cest leur métier.
Moi, je nai pas connu son cloutier. Je lai trouvé chez un vieux charpentier, un homme plein de bonté dont jaime les avis. Il ma dit « Tiens, cest un bon clou ». Quun homme aussi bon que ce bon charpentier me parle de la bonté du clou ma fait fondre : le clou est entré dans ma vie.
Mon clou est resté humble. Il a été forgé pour vivre sous les combles, entre deux poutres, dans lobscurité et la poussière, en compagnie des araignées et des souris. La tête à lair libre, mais le corps emprisonné dans lépaisseur du bois. Il le sait.
Il apprécie dautant plus sa condition de clou de bureau. Mais cela ne lui monte pas à la tête (je loblige pourtant à vivre la tête en bas, je devrais dire que cela ne lui descend pas à la tête), il reste simple et modeste. Il se sait tout gris, ce nest pas un de ces clous dorés qui nont pas dautre destin que de faire beau, et qui ne supporteraient pas le marteau. Il habille son gris des couleurs des petits papiers, et quelquefois regarde avec bonheur son reflet sur le bureau verni. Pour les fêtes, je lui offre des petits papiers fluos, il se sent gâté.
Lui, le rustique, le préhistorique, voisine avec les machines les plus modernes : ordinateur, imprimante-scanner-photocopieuse, téléphone-qui-fait-tout-sauf-le-café, agenda électronique
Il sait que rien ne marcherait tout à fait sans lui : il est le gardien des numéros, des codes, des identifiants, des password, le souvenir des opérations un peu compliquées. Il les sert. Il aime servir, et il le fait bien. Cest son humanisme à lui. C'est le mien aussi. Ah, vieux charpentier
Il sait que jaime sa fidélité discrète. Il voit tout, entend tout, connaît tous mes secrets. Il accepte que parfois je le touche, que je pose un doigt sur sa pointe pour réfléchir ou écouter ; il ne me pique pas, il retient sa force dénorme clou. Lécran de lordinateur est en face de lui, je crois quil lit tout aussi (un clou qui a vu passer tant de petits papiers a bien dû apprendre à lire !). Je crois quil lit ce que jécris de lui.
Tiens, il me sourit !
Merci Yves pour ce tout petit clou, je crois que j'aime les histoires de clou.
Ca faisait longtemps que je n'avais pas eu (pas pris ??) le temps de venir, mais à lire ces histoires de clous, je me rends compte que, franchement, je vous adore tous !!!
Je vous embrasse, à bientôt.
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