11 décembre 2002
Rien à dire !

Pour le moment je n'ai rien à dire. Ce n'est absolument pas grave en soi. Ca arrive à tout le monde. Et puis c'est tout à fait provisoire. J'en suis sûr !

Oui !

Absolument !

Ahum...

Où commence le meublage ? A partir de quel moment est-ce que j'écris pour remplir la page ? Même si là tout de suite il me vient un truc intéressant à dire (intéressant pour moi, hein, on est d'accord...) est-ce que le fait qu'une seconde avant je n'avais rien à dire fait que mon truc génial devient du remplissage ?

Toujours est-il que j'ai un truc à dire, là tout de suite, et puis je reviendrai au fil principal du jour : rien.

Parenthèse, donc.

[Début de la parenthèse, je dis ça pour les visuels... ceux qui ne veulent pas entendre parler de musique peuvent aller directement .]
Quiconque a un jour subi Patrick Bruel en train de bramer les chansons qu'il a peut-être entendu son papa siffloter sous la douche s'est fatalement posé la question : à quel point a-t-on le droit de reprendre une chanson de quelqu'un d'autre ?

C'est quoi une bonne reprise ? Est-ce que c'est une restitution la plus fidèle possible - au risque de laisser au vestiaire sa propre personnalité d'interprète - pour ne pas décevoir les gens qui "préféraient la vraie version", ou est-ce de mettre dans la chanson tout ce qu'on a soi-même d'original, d'insuffler sa propre vision de la chanson, de la mélodie, des harmonies... et à ce moment là est-ce qu'on ne court pas le risque de dénaturer la chanson ?

D'aucuns disent qu'une bonne chanson reste toujours une bonne chanson, et j'étais un peu du même avis. Jusqu'à l'album de Bruel. Je plaisante. J'avais des doutes avant, mais je dois lui donner le crédit : il me les a enlevés, mes doutes.

En tout état de cause, j'ai découvert très récemment quelqu'un qui a un talent pour les reprises. Un vrai talent sans hormones, une force de la nature vocale et musicale. Au début ça faisait un peu peur. Imaginez : quelqu'un qui se hasarde à reprendre du Piaf et du Dietrich, le tout sur le même disque. Et puis je l'ai écoutée...

Je la connaissais déjà, la protéiforme Ute Lemper. Il faudra un jour que je me décide à voir ou entendre la version de Cabaret qu'elle a interprétée... même si Liza... mais bon.

Ute Lemper, donc. L'album s'appelle "illusions". Je ne vais pas vous raconter que j'aime TOUT dedans. Mais "'round midnight" (appuyé par le phénoménal Janick Top à la basse) et "l'accordéoniste" suffiraient à faire mon bonheur. Mais il y en a plein de bonnes autres, qui prouvent qu'on peut faire une reprise qui soit à la fois fidèle à l'esprit et originale dans la lettre, sans trahir l'original, et sans se trahir soi-même.

[Fin de la parenthèse.]

Si vous avez sauté la parenthèse pour rester dans le vif du sujet, mais que vous avez soudain un doute, genre "j'aurais du la lire", vous pouvez toujours revenir en arrière...

Rien à dire, donc, et ça remplit tout de même des pages. Notez que je n'en suis pas encore au stade où, à l'instar de plein de gens par ailleurs tout à fait respectables mais dont je ne comprends pas toujours les choix, je vais remplir cette chronique de réponses à des questions standardisées qu'on peut trouver partout. Vérifiez par vous-même, un nombre impressionnant de diaristes francophones répondent le vendredi au "friday five", le mercredi au "mercredix" et tout ça nous abreuve d'exercices de style sur le thême "comment montrer que je suis bien moi-même tout en faisant comme tout le monde". Tiens, on se retrouve sur le thême de ma parenthèse de tout à l'heure, un peu. C'est une coincidence; je vous l'ai dit au départ, je n'ai rien à dire aujourd'hui.

Tiens, pour autant, est-ce qu'on peut soupçonner les gens qui répondent à ces questionnaires de n'avoir rien à dire ?

Un qui ne répond pas aux questionnaires, c'est lui, et il le fait bien.

Arrêtons de digresser. Rien à dire. L'obsédant écran gris - le fond de mon éditeur de texte est gris - et le silence des touches inactives. Mais comme disait je ne sais plus quel titre de film, "c'est pas parce qu'on n'a rien à dire qu'on doit fermer sa gueule".

Mmmhh... ça dépend. Il y a des gens dont le "rien à dire" est un univers que j'aime à parcourir. D'autres dont je me dis parfois que ça me ferait plaisir qu'ils la ferment.

Je vais vous dire la vérité, dévoiler le pot autour duquel je tourne depuis le début : je crois que "rien à dire", ça n'existe pas.

Finalement.

Écrit par O. le 11 décembre 2002 à 11:17
Réactions

Tiens, moi non, plus, j'ai rien à dire, et je le fais comme je peux... (merci du compliment)

J'imagine que cette manie du questionnaire vient de cette habitude qu'avaient certains zélateurs du début vingtiéme (Proust en tête) à occuper le temps des salons en enquêtes plus ou moins grivoises.
Voilà qu'il nous faudrait sortir quelque chose de nous même, nous qui sommes si souvent contraints de recevoir : l'info des autres, l'art des autres, les grandes pensées des autres, l'habileté,l'intelligence, les démonstrations, explications...un vacarme assourdissant qui nous empêche de simplement nous entendre nous-même.
Taisons-nous. N'essayons pas de ressembler. N'essayons pas de différer. Taisons-nous simplement, un moment. Quelles sont mes révoltes d'hier ? Mes angoisses ? Mes questions ? Mes plaisirs ? Je prends un de ces trucs au hasard : (une question) comment continuer à écouter la radio avec tant de pub ? Ca me fait mal à la tête, j'entends pas la musique que je veux, j'aime pas les animateurs... ben voilà, c'est parti, j'ai plus qu'à écrire ça...

A plus tard ! Je passerai un jour vous rendre visite dans ce Copenhagen que j'avais tant apprécié/détesté.

Eric
http://egogmi.free.fr

Mis à jour par eric le 12 décembre 2002 à 07:44

Ca fait comme dans certains films de Bergman, il ne se passe rien mais ca reste captivant. En même temps, un message sur rien cela peut nous parler beaucoup plus qu'une dissertation.

En définitive, je pense que les moments de flottement sont très sain pour le mental.
Bonne journée

Mis à jour par salika le 13 décembre 2002 à 10:07