30 novembre 2002
Bons baisers de Palestine...

Pour ceux qui l'ignorent, j'ai une amie qui est (encore) en Palestine. Voici ce qu'elle m'envoyait aujourd'hui, pour que vous ayez un petit arrière-goût...

"Salut !
Depuis hier nous revoici sous couvre-feu complet, soit en punition de
l’attaque de Beit Shean, attribuée au Fatah, ou parce que le 29 étant
une journée de solidarité avec la Palestine, d’aucuns craignaient des
manifs.

Toujours est-il que nous savions dès avant-hier soir que c’était pour
nous cette fois. Normal, on était la seule ville qui ne soit pas
totalement réoccupée et on sait bien que le grand orchestrateur de tous
les attentats de la planète est mon voisin ! Tu sais il habite un grand
palais pas loin, presque comme l’Elysée pour celui qui est président,
chez nous. Tu te rappelles, ils sont en rénovation !

Bon, je t’ai quitté un moment pour voir, de la véranda, où étaient les
perturbateurs qui depuis avant l’aube maraudent en beuglant dans leurs
micros qu’on n’a pas vraiment intérêt à trainer dehors.
Autant hier, après leur passage genre éteigneur de réverbères, avant le
lever du jour, on ne les a pas vus, le temps n’engageant personne à
mettre un orteil dehors, autant aujourd’hui ils sont partout, en
permanence.

Ils écument tous les quartiers, dans leurs jeeps qui sont des camps
retranchés à elles toutes seules. Sur fond sonore de klaxons croassants
et de sirènes suraigües, ils incitent démocratiquement à rentrer les
passants ou automobilistes non civiques qui vont dans les rues de leur
ville : et une grenade détonnante, une ! Tiens, on change, ça, c’est les
gaz, et ça n’arrête pas depuis ce matin.

Donc fini le « privilège »(sic, cf les déclarations officielles) de ne
plus être sous couvre-feu pendant le Ramadan, on rejoint les cohortes de
citadins prisonniers dans leurs villes investies, les rues interdites,
les magasins clos, les écoles fermées, les hôpitaux encerclés. Oh, pas
de chars visibles, c’est moins inconfortable et ça attire moins le
regard des quelques journalistes qui trainent.

Et ça recommence, j’aimerais bien te faire entendre l’accompagnement
sonore du « maintien de l’ordre israélien », ça t’en rappellerait des
moments vécus, ici ou à Jénine.

A Naplouse, d’où on vient de m’appeller, après les rafles de la nuit
dernière, ils ont le droit de sortir jusqu’à 18 heures. Ils se remettent
des visites de la nuit, une dizaine d’affreux contrôlant chaque bâtiment
dans le quartier de Rafidia, éclatant les portes des appments dont
les habitants étaient absents et ramassant ailleurs tous les hommes
présents.

Ca n’a finalement pas été trop pénible pour les amis arrêtés, contrôle
d’identité, 2 heures de détention et libération. Pour d’autres par
contre, c’est l’arrestation. Comme le directeur d’un hôpital de
Ramallah, ramassé chez lui il y a 4 jours, pour détention d’explosif(
!!!!!), et dont on est bien sûr sans nouvelles depuis.Pratiquement
toutes les nuits ça arrive, ici comme partout. C’est calme et dans la
nuit quelques jeeps débarquent et un commando en descend, s’empare d’un
passant sur le trottoir ou d’un habitant et ils repnt dans la nuit
et plus rien, on ne sait pas où ils ont embarqués les gens qu’ils ont
kidnappés.

Ah, encore ! Allez, que je te coasse dans le micro derrière les barreaux
de la jeep et que je t’ordonne de se rentrer, non mais, c’est couvre-feu
ou pas ? C’est fou, ces gens qui s’obstinent à ne pas comprendre qu’ils
n’ont pas le droit d’être dehors dans leurs rues, dans leur ville.
Quelques tirs tiens, pour leur faire comprendre...

Et se surimpose sur ces bruits d’invasion l’appel du muezzin ! L’écho
ricoche, ils se répondent, sur les collines. Le linge claque au vent
dans les jardins et sur les balcons et les gamins sortent jouer sur le
trottoir dans la rue en contrebas.
Il leur faudra encore des balles et des grenades à tirer, aux
occupants,des ordres iniques à brailler, ici on continue à vivre. Et
c’est la résistance la plus profonde, celle qui va durer."

Voilà, c'était le billet de ma copine Claude, de Ramallah...

Écrit par O. le 30 novembre 2002 à 16:53