25 novembre 2002
Eh bien dansez maintenant

Sortie en famille samedi soir, je me retrouve assis dans la minuscule salle de spectacles d'un centre culturel sans avoir la plus petite idée de ce que je vais voir. J'avais simplement été prévenu que c'était un "très beau spectacle" et j'avais vaguement entendu quelque conversation à propos de tango, mais, d'après les bribes captées, devant se dérouler dans un autre lieu. Et, assis inconfortablement sur des gradins artisanaux, je regarde la scène et me demande ce qu'un orchestre de tango peut bien faire d'un pouf couvert de velours rouge, d'un parapluie et d'une grosse en plastique.

La nuit se fait, et lorsque le silence est vraiment complet, un violoncelle. La lumière apparaît doucement. Elle dévoile un buste immobile drapé d'un velours au reflets dorés, posé à bonne hauteur pour appnir à un corps, mais la tête manque; soit penchée très en avant, soit absente. Quelques mouvements presque infimes. Ce sont ses cheveux noirs qui la rendent indistincte sur le fond de la scène drapé de noir. Tout le corps s'agite, soubresaute, rebondit, s'arque, se boute...

De la danse. Pas de ballet ou de moderne classique ici, rien de codifié ou de mécanique. Juste une liberté de mouvement, d'expression, une maîtrise du corps qui permet tous les gestes, toutes les postures. Le violoncelle est maintenant accompagné d'un piano et son improvisation du début remplacée par un morceau de Gershwin. Le pouf sert à quelques tombés audacieux, mais rien d'outrancier. J'essaye de me laisser porter, de ressentir, parce que je ne comprends rien à la danse. Il y a quelques parlés, peut-être de l'italien, mais je cesse d'essayer d'en comprendre les mots.

La femme cède à présent sa place à un homme qui s'habille en femme japonaise, mi mime, mi danse, une sorte de clown burlesque. Des gens rient. Les danseurs sont japonais, ainsi qu'une grande partie de la salle. Il me manque peut-être quelques références. C'est plus agréable, plus simple à regarder. Après un temps, il fait lui aussi place à un troisième, plus primitif, plus rudimentaire en apparence. A mes yeux, ils semblent chacun un aspect d'une même identité: l'intelligence, les émotions, l'instinctif. Ils reviennent tous les trois, habillés à l'identique de combinaisons claires aux tons pastels, dont un bras est terminé d'un bâton.

Ils évoluent, ensemble, antagonistes, un ballet ponctué de coups sur le sol, de postures, et de mots inintelligibles. D'autres mots venant des coulisses interagissent avec les trois, et le dernier habitant de cet univers fait son apparition, chargé de longues tiges de bois, courbes, terminés à une extrémité par une lourde goutte. Lentement, très lentement, il construit une sculpture, partant des morceaux les plus courts, il les pose les uns après les autres en équilibre. Chaque fois, il prend une tige plus grande, utilise son extrémité la plus fine pour soutenir celles déjà en place. C'est comme le squelette d'un léviathan qui remplit tout l'espace, il tourne, soutenu à bout de bras, puis sur la pointe de la dernière tige posée verticalement.

C'est peut-etre l'âme du trio, celui qui crée la beauté, offre l'équilibre. Que de grand mots. Je rationalise sans doute trop. Je cherche des explications. Je voudrais comprendre, ressentir. Mais ça m'a laissé froid, je me suis presque endormi. Je ne capte définitivement rien à la danse.

Écrit par gemp le 25 novembre 2002 à 04:11
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